La phase orogénique pyrénéo-provençale : surrection des chaînons montagneux provençaux |
La Provence constitue le bassin d’avant-pays plissé du front nord de la déformation pyrénéenne et du front SSW de la déformation alpine. Par rapport aux Pyrénées et aux Alpes, les reliefs de la Provence présentent des altitudes relativement modérées, en moyenne environ 800 m et peu de sommets dépassant 1500 m. Le bassin d’avant-pays provençal se caractérise par une zone large de déformation (~130 km en N-S et ~160 km en E-W) et par une succession de chevauchements, orientés ~ E-W, qui se réalisent sur des structures synclinales aux dimensions variables ; l’ensemble est décalé par des failles de transfert oblique majeures orientées NNE-SSW.
La structure actuelle de l’avant-pays Pyrénéo-Alpin de Provence correspond pour une grande partie à la signature de la compression pyrénéenne d’âge Crétacé supérieur-Éocène. Les parts des déformations, extensives à l’Oligocène et compressives lors de la mise en place de la chaîne des Alpes et des chaînes subalpines externes à la fin du Miocène, restent relativement plus faibles.
Le raccourcissement provençal, qui atteint une quarantaine de kilomètres, s'est propagé vers le nord-nord-est depuis le sud du bassin du Beausset jusqu'au Mont-Ventoux et la montagne de Lure. Des structures chevauchantes liées à la compression pyrénéo-provençale ont même été décrites plus au nord, bien en arrière du front de déformation alpine, dans le bassin d’avant-pays de Valensole, dans l’arc de Castellane, dans les régions de Barles, des Baronnies et du Diois.
Le bassin d’avant-pays provençal est divisé obliquement par le faisceau des failles d’Aix-en-Provence et de la Moyenne Durance en deux compartiments : - un, la Provence occidentale, sous laquelle le toit du socle profond est recouvert par environ 10 km de couverture, - et l’autre, la Provence orientale, dont l’épaisseur de la couverture est plus faible, de l’ordre de 3 km. Ces deux compartiments sont couplés à l’échelle crustale et séparés par le système de failles de la Moyenne Durance et d’Aix-en-Provence dont les parties profondes sont héritées de la fin du cycle orogénique varisque. Une tectonique de couverture caractérise la Provence occidentale tandis qu’une tectonique de socle domine en Provence orientale. Le domaine oriental est le plus adapté pour caractériser le style structural de la déformation Pyrénéenne dans l’avant-pays Provençal à savoir un style tectonique mixte de couverture et de socle relié à l’inversion de structures extensives profondes et de décollements de la couverture sédimentaire Mésozoïque-Cénozoïque sur les séries triasiques. En effet la Provence orientale a été peu déformée par la compression alpine. Quelques marqueurs de la déformation alpine sont toutefois identifiables, en particulier, à Nans-les-Pins, à Signes et même sur la plage de Bandol mais leur relative rareté rend difficile leur quantification. Dans les deux domaines, le style tectonique de l’avant-pays provençal est associé à du diapirisme mésozoïque et cénozoïque en relation avec les évaporites du Trias moyen et supérieur. La formation des reliefs provençaux est un phénomène continu du Santonien terminal (Crétacé supérieur) au Bartonien (Éocène) avec deux étapes majeures : - au Campanien (- 84 à - 72 Ma), les premiers reliefs formés, au cours de la compression, sont des anticlinaux asymétriques déjetés vers le nord, ce qui suggère des contraintes tangentielles plus importantes venant du sud. Ces reliefs nouvellement formés, soumis à l'érosion, ont livré les matériaux détritiques accumulés par voie gravitaire dans les synclinaux frontaux et ont donné des brèches d’âges Bégudo-Rognacien ; - du Danien à l’Yprésien, voire localement jusqu’au Bartonien (de - 66 à - 37 Ma), se produit l’étape finale de raccourcissement de l’orogenèse pyrénéo-provençale avec toujours des dépôts de brèches (brèche à Microcodium). Cette étape conduit à la mise en place de grands chevauchements. Les déplacements se sont généralement faits vers le nord et ont atteint 8 à 25 km selon l’unité tectonique concernée. Au cours de la mise en place des unités tectoniques, les évaporites du Trias ont localement percées la couverture sédimentaire ou ont été injectées dans les failles majeures (chevauchement de Bandol, bandes triasiques de l’Huveaune, de La Roquebrussane-Garéoult et de Barjols). Le style structural de la déformation pyrénéenne dans l’avant-pays provençal s’inscrit dans un héritage structural et sédimentaire. L’architecture de ces structures pyrénéo-provençales et leur évolution sont contrôlées par : - des failles profondes du socle, héritées de la fin de l’orogenèse varisque, réactivées lors des différentes phases de distension (distension post-orogénique varisque, rifting alpin, rifting pyrénéo-provençal) ; - des variations d’épaisseur de la pile sédimentaire mésozoïque en relation avec la paléobathymétrie des bassins ; - l'existence de bassins évaporitiques triasiques. Les failles normales affectant le socle varisque ont initialisé les déformations compressives - on parle d’inversion tectonique - et ont favorisé le mouvement des évaporites du Trias (halocinèse). Les évaporites du Trias (anhydrites du Muschelkalk inférieur et gypses du Keuper) ont contrôlé la localisation et la création des plis et chevauchements puis ont permis les charriages en constituant le niveau majeur de décollement de la couverture sédimentaire. Ces structures liées à la tectonique salifère du bassin d’avant-pays provençal sont interprétées comme précoces, initialement formées entre le Jurassique et le Crétacé supérieur. Ces structures seraient intimement associées à des failles normales du socle formées lors du rifting (subsidences tectonique syn-rift puis thermique post-rift) de la marge européenne de l’Océan alpin et lors du rifting du bassin sud-provençal, annexe septentrionale du rift pyrénéo-provençal. Ces structures salifères ont ensuite été réactivées lors de la compression Pyrénéo-Provençale au cours du Crétacé supérieur-Éocène. L’érosion jusqu’au cœur triasique des plis précoces fini-mésozoïques a permis le décollement de la couverture sédimentaire. Des brèches syntectoniques sont présentes dans certains chaînons provençaux au front des chevauchements par exemple en versant nord de la Sainte-Baume (Source du Cros, La Taurelle) ou de l’Étoile (Les Cadeneaux) et sur le versant sud de Sainte-Victoire (Le Tholonet). Les brèches les plus anciennes sont essentiellement constituées de clastes de calcaires mésozoïques récents tandis que dans les brèches les plus récentes, les éléments figurés sont plus variés et correspondent à l’érosion de roches plus anciennes, ceci est caractéristique de l’érosion d’un pli en cours de formation. La géométrie en forme d'éventail des lits de brèches met également en évidence que la surrection de la chaîne est contemporaine de la sédimentation (sédimentation syn-tectonique). Le déplacement des unités charriées a laissé dans les roches des traces visibles (fentes de tension, stries de traction, ondulations). Au front ou en arrière des chevauchements se trouvent, souvent sous forme d’olistolithes emballés dans les brèches syntectoniques, de petites écailles et des lambeaux de charriage entraînés lors de la mise en place des chevauchements. Ainsi, dans le massif de la Sainte-Baume, les unités du Pin de Simon et de la Grande-Baume, ainsi que le renversement et le déplacement de la Haute-Chaîne, résultent du charriage sud-nord de la nappe de Roqueforcade. La tectonique de chevauchement provençale sud-nord a été contrôlée par les variations d’épaisseur nord-sud de la pile sédimentaire crétacée. En effet, l’émersion au Crétacé moyen de l’épaulement nord du rift sud-provençal (Bombement durancien) entraîna de fait l’arrêt de la sédimentation marine et l’altération météoritique bauxitique de la partie supérieure de sa couverture sédimentaire du Crétacé inférieur alors qu’au sud persistait une sédimentation puissante en relation avec une forte subsidence dans le bassin sud-provençal.
Les structures compressives pyrénéo-provençales ont été réactivées, dans une moindre mesure, par des déformations contemporaines de l’extension oligocène E-W à NNW-SSE, puis durant la compression alpine NNE-SSW du Miocène (fin du Tortonien) au Quaternaire et également à l’occasion des réajustements isostatiques lors de l’événement messinien (limite Miocène-Pliocène). L’héritage méso-cénozoïque structural compressif a contrôlé la localisation des déformations liées à l’extension oligocène par réactivation négative des chevauchements provençaux. La déformation miocène a réactivé des structures héritées du Mésozoïque et du Cénozoïque qui s'étaient développées en contexte extensif à transtensif (composante décrochante) et ont parfois réorienté localement les paléo-contraintes. L’équilibrage des coupes : une approche d’étude permettant de concilier les données géophysiques profondes concernant les mégastructures et les données de terrain des géologues. Les outils utilisés pour reconstruire les taux de raccourcissement et reconstituer la chronologie des événements de déformation successifs, la propagation des charriages et l'évolution des bassins d'avant-pays, relèvent d’études de terrain et de laboratoire : - l'étude des strates de croissance des dépôts syn-tectoniques lors des déformations compressives ; - les données de glissement de faille (direction des striations et cisaillement des clastes des conglomérats) pour contraindre les régimes de déformation et les directions de transport tectonique de poussée ; - la thermochronologie basse température par traces de fission sur apatite, technique permettant de reconstituer l’histoire thermique des roches dans une gamme de températures de 80 à 110°C. Elle est fondée sur le comptage et la datation des traces de fission dans les cristaux d’apatite laissées dans les réseaux cristallins par le rayonnement dû à la désintégration de l’238U, de l’235U et du 232Th produisant des atomes d’hélium et dont le nombre dans un cristal donné est fonction de la température. Le contexte géodynamique global de l’orogenèse pyrénéo-provençale est étroitement lié au raccourcissement Afrique/Eurasie. De la côte méditerranéenne jusqu'aux Baronnies et chaînons subalpins méridionaux, les plis et chevauchements d'orientation grossièrement W-E résultent principalement d’une compression vers le nord (compression dite pyrénéo-provençale ou provençale) en réponse à la convergence S-N des plaques lithosphériques eurasienne et africaine à travers le bloc continental Ibéro-Corso-Sarde et la fermeture du rift pyrénéo-provençal. En Provence, la compression pyrénéenne a débuté autour de 80 Ma en relation avec la subduction au sud de la Provence, de la plaque Africaine sous la plaque Européenne conduisant plus tardivement à la collision du bloc lithosphérique Ibéro-Corso-Sarde avec l’Europe. Le raccourcissement s'est produit de la fin Santonien-Campanien, comme l'illustre en particulier le passage du milieu marin au milieu continental au Santonien supérieur dans les bassins du Beausset et de l’Arc, à l'Éocène supérieur (~37 Ma)
C’est également lors de cet épisode bartonien (Éocène supérieur) que s’est agrégée au long de la bordure orientale du bloc continental Ibéro-Corso-Sarde, la microplaque lithosphérique ALKAPECA (Alboran, Kabylies, Mont Péloritain et Calabre). Ancien domaine de la marge septentrionale de la Téthys maghrébine, elle fut disloquée, à l’Oligocène, lors des ouvertures océaniques d’arrière-arc conduisant à la création de la Mer Méditerranée occidentale.
Une inversion tectonique : le rift pyrénéo-provençal ouvert en transtension se ferme en transpression. Le rifting sud-provençal s’est déroulé du Barrémien supérieur au début du Cénomanien et probablement jusqu'au Santonien supérieur en relation avec la rotation dans le sens anti-horaire de la plaque lithosphérique ibérique (bloc continental rassemblant la Péninsule ibérique, les îles Baléares, la Corse et la Sardaigne et très probablement le Briançonnais) par rapport à la plaque Eurasiatique suite à l’ouverture océanique du golfe de Gascogne. Cette rotation a induit un mouvement purement extensif à transtensif entraînant un amincissement de la lithosphère et conduisant localement à l’exhumation du manteau lithosphérique dans le rift Nord-Pyrénéen. Ce système du rift Nord-Pyrénéen se prolongerait vers l’est dans le rift sud-provençal. Le bassin du Beausset peut être interprété comme le prolongement oriental du rift Nord-Pyrénéen. Les dépôts de brèches et de turbidites albiennes, analogues du flysch noir pyrénéen albo-cénomanien, localisés en son sud, en témoignent. L’accrétion océanique dans le golfe de Gascogne cessa au Campanien, alors qu’elle se poursuivait dans l’Atlantique. De la fin du Crétacé à l’Éocène moyen par suite de l’expansion océanique accrue de l’Atlantique Sud, la plaque Afrique pivota dans le sens antihoraire et entama un mouvement vers le nord, repoussant dans la même direction le bloc lithosphérique apulien correspondant actuellement à une partie de la péninsule italienne et au substratum de la mer Adriatique et du bassin du Pô. Le coulissage de la plaque ibérique contre la plaque eurasiatique se fit alors en transpression avec un raccourcissement d’une quarantaine de kilomètres dans le prolongement provençal du rift pyrénéen suite à la mise en place des plissements au Campanien puis des chevauchements vers le nord au Bartonien. Le rift pyrénéen et son prolongement provençal ouverts en transtension se fermèrent. C’est une inversion tectonique. Ce mécanisme explique, entre autres, la transition en Provence d’une sédimentation marine à une sédimentation continentale (lacs valdo-fuvéliens, dépôts fluviatiles).
Le bassin provençal présente la particularité d’être un bassin d’avant-chaîne de deux orogènes différents : les Alpes et les Pyrénées. Mais si la déformation pyrénéenne fut la phase majeure responsable de la formation des différents chaînons en Provence, l'originalité des structures tectoniques fait que l'on parle maintenant de chaîne provençale. Par ailleurs, on retrouve plus à l’ouest des caractéristiques identiques qui appartiennent à la même histoire tectonique. C’est pourquoi, dans le système pyrénéo-provençal, on pourrait considérer que la Provence commence aux Corbières et comprend le Languedoc. Cette synthèse est, pour l’essentiel, inspirée des travaux scientifiques suivants : • Balansa J., Espurt N., Hippolyte J-C., Philip J., Caritg S., 2022, Structural evolution of the superimposed Provençal and Subalpine fold-thrust belts (SE France) ; • Bestani L., 2015, Thèse, Géométrie et cinématique de l’avant-pays provençal : modélisation par coupes équilibrées dans une zone à tectonique polyphasée. • Bestani L., Espurt N., Lamarche J., Bellier O., Hollender F., 2016, Reconstruction of the Provence Chain evolution, southeastern France ; • Lacombe O., Jolivet L., 2012, Structural and kinematic relationships between Corsica and the Pyrenees-Provence domain at the time of the Pyrenean orogeny ; • Van Hinsbergen D.J.J et al., 2019, Orogenic architecture of the Mediterranean region and kinematic reconstruction of its tectonic evolution since the Triassic. |
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2. Failles inverses et chevauchements |
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3. Nappes de charriage |
3.0. Liste des charriage 3.2 Tectoglyphes du rabotage basal de l’unité charriée sur le substratum Pain de Simon (Massif de la Sainte-Baume) Grande-Baume (Massif de la Sainte-Baume) Source du Cros (Massif de la Sainte-Baume) Vieux Beausset Rocher du Garlaban (Massif d'Allauch) Vallon de Saint-Pons (Massif de la Sainte-Baume) Bande triasique de l’Huveaune (13) Bande triasique de Barjols (83) Bande triasique de La Roquebrussane (83)
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4. Brèches syntectoniques |
Brèches bégudo-rognaciennes Brèches daniennes |
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5. Failles de transfert oblique |
Faille de la Moyenne Durance
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