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Glaciations au cours des temps géologiques - fluctuations climatiques et eustatiques au Quaternaire
La présente époque climatique peut apparaître paradoxale, en ce sens que l’attention médiatique et les préoccupations scientifiques se focalisent, légitimement, sur un réchauffement résultant des émissions, dans l’atmosphère, de gaz à effet de serre d’origine anthropique ; alors qu’en fait, la période géologique dans laquelle nous vivons est une période glaciaire. En effet, deux calottes glaciaires, pérennes lors des cycles interglaciaires/glaciaires, l’Antarctique et le Groenland, sont établies depuis près de 3 Ma pour le Groenland et de 34 Ma pour l’Antarctique. L’extension de ces calottes a subi quelques modulations, mais elles n’ont jamais disparu depuis leur installation.

Cette mise en perspective est importante à l’échelle géologique. La suite de l'Holocène pourrait déboucher sur un climat bien plus chaud que l’actuel et voir disparaître les deux présents inlandsis et les zones de banquise permanente. Or, c’est ce type de climat chaud qu’a connu principalement notre planète depuis 4,6 Ga, on parle de périodes greenhouse en raison de l’effet de serre important qui les caractérise. Ce climat général chaud est entrecoupé par des périodes glaciaires ou icehouse, plus brèves dont l’occurrence est beaucoup plus faible au cours de l’Histoire de la Terre.


Courbes de températures au cours des temps géologiques

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Figure 1. Les différentes périodes de glaciation de la Terre (modifié d’après Sylvain Coutterand–EDYTEM, CNRS -2017)
La quête des archives glaciaires se fonde sur la paléontologie, la sédimentologie, la géomorphologie et la géochimie.

Les indices de glaciation sont principalement d’ordre sédimentaire (tillites, dropstones, nature des minéraux argileux, formations néoprotérozoïques, synglaciaires de fer rubanées et postglaciaires de Cap carbonates), géomorphologique (planchers glaciaires, sols polygonaux) et géochimique (variations des rapports isotopiques du carbone et de l’oxygène et du taux de deutérium) :

- les tillites sont des conglomérats formées par compaction, dans une matrice argilo-sableuse, de dépôts morainiques (accumulation de matériaux entraînés puis abandonnés par les glaciers). Elles surmontent souvent des surfaces planes ou ondulées, les planchers glaciaires, ornées de stries et de cannelures dont la forme et l’orientation indiquent la direction et le sens d’écoulement des glaciers ;

- les dropstones ou ice-rafted debris (IRD) correspondent aux blocs transportés, après vêlage, par les icebergs puis lâchés, lors de leur fonte dans des eaux plus chaudes et incorporés dans les boues océaniques pélagiques ;

- les sols polygonaux présentent, en plan, des polygones pluridécimétriques voire plurimétriques constitués par des accumulations de cailloutis et de sable qui en dessinent les côtés alors que le milieu est terreux. Ils sont dus à la cryoturbation, mouvements liées aux alternances gel-dégel ;

- les formations de fer rubanées (BIF pour Banded Iron Formation) sont des formations sédimentaires marines. Elles présentent des lits de couleur gris métallique d'hématite ou de magnétite, alternant avec des lits rouges de silice. Certains bancs de silice ne sont pas continus, il s’agit de cherts.
Ces formations sont d'âge archéen et surtout du début du Protérozoïque (Sidérien) et absentes à l’échelle du globe après 1,9 Ga, excepté lors des glaciations du Cryogénien. Elles représentent 90 % du minerai de fer exploité dans le monde. Leur origine n’est pas encore bien comprise. La principale interrogation concerne l'origine de ces lits d'oxyde ferrique (Fe3+), la deuxième incertitude se rapporte à la signification du rubanement hématite-silice. Le fer océanique actuel provient essentiellement de l’altération en surface des roches des continents. Lors de l’altération d’un granite, le fer de la biotite, de formule K (Fe, Mg)3 [Si3AlO10 (OH)2], est libéré. La mobilité du fer dépend de son degré d’oxydation : sous sa forme réduite (Fe2+), il est soluble dans l’eau alors qu’il ne l’est pas sous sa forme oxydée (Fe3+). Si l’atmosphère est oxygénée, le fer est sous sa forme oxydée et reste sur les continents sous forme d’oxydes ou d’hydroxydes.

Les fumeurs noirs au niveau des dorsales océaniques émettent des fluides riches en sulfures métalliques à très haute température (350 °C). La coloration noire du fluide hydrothermal émis vient de sa forte teneur en fer et en manganèse. Cet hydrothermalisme était particulièrement actif dans les océans précambriens et aurait également induit l’enrichissement en fer ferreux des océans. L’existence des BIF indique qu’à l’Archéen et au début du Protézoïque, le fer était en solution dans les océans, il était mobile ce qui signifie une atmosphère terrestre réductrice c’est-à-dire dépourvue de dioxygène. Toutefois, le fer contenu dans les BIF est sous forme ferrique (Fe3+). Cette constatation implique que si l’atmosphère et les océans étaient réducteurs, il existait néanmoins des îlots oxydants qui ont fixé le fer dans les BIF. Des colonies de cyanobactéries photosynthétiques, formant des tapis microbiens, auraient pu engendrer un environnement suffisamment riche en dioxygène pour créer les conditions oxydantes nécessaires à la précipitation du fer et d’autres microorganismes anaérobies transformer le fer ferreux en fer ferrique pour leur métabolisme.

Ces formations (BIF) se mirent en place dans un océan et sous une atmosphère sans dioxygène. Quand les océans se vidèrent de leur fer ferreux soluble par précipitation de fer ferrique insoluble, la teneur en O2, faute de fer ferreux, augmenta alors dans les océans puis le dioxygène diffusa progressivement dans l’atmosphère. C’est la Grande Oxydation (GEO pour Great Oxidation Event), qui s’est produite vers 2,2 milliards d’années. Le GEO est attesté par : l’apparition de paléosols oxydés (red-beds d’Afrique du Sud) et la disparition des formations ferrifères rubanées (BIF) et de l’uraninite qui forma de vastes gisements d’uranium avant 2,3 Ga. Après le GEO, les BIF disparurent des fonds océaniques. Leur réapparition au Néoprotérozoïque, vers -0,7 Ga, dans différents bassins océaniques, est donc très surprenante, comme si les océans avaient été de nouveau dépourvus d’oxygène. Leur réapparition serait ainsi la signature d'une situation où les océans n’avaient plus d'échanges gazeux avec l'atmosphère pendant une assez longue période de temps, indice probable qu’ils étaient recouverts par la banquise ;

- des formations transgressives de carbonates (Cap Carbonates), principalement des dolomies, de plusieurs mètres ou dizaines de mètres d'épaisseur, surmontent en discordance, fréquemment, les tillites néoprotérozoïques. Ces formations carbonatées se caractérisent géochimiquement par une forte chute du δ13C, comme si après la glaciation, le climat avait rapidement basculé dans une période greenhouse ;

- la nature et les proportions relatives des minéraux argileux, déterminés dans les sédiments ou les roches par diffraction aux rayons X, permettent de discriminer l’intensité de l’hydrolyse des continents. Une proportion importante d’illite et de chlorite est le marqueur d’apports détritiques de continents soumis à une altération essentiellement physique, conditions climatiques froides et peu drainées des secteurs de latitudes moyennes et hautes, en revanche une prépondérance de kaolinite est indicatrice de continents soumis à une altération essentiellement chimique (hydrolyse importante), conditions climatiques chaudes et humides des secteurs de basses latitudes.

- l’analyse par spectrométrie de masse de la composition des isotopes stables de l’oxygène et du carbone des glaces polaires et des sédiments marins, permet de recueillir des informations précieuses sur les changements climatiques passés, à travers la variabilité de la température et de la circulation thermohaline des océans au cours des temps géologiques. Ayant le même nombre d’électrons, les isotopes d’un même élément, ont les mêmes propriétés chimiques mais leur différence de masse, liée à un nombre différent de neutrons, entraîne des comportements différents lors de certains processus physiques (changements de phase, variations de température) ou lors des réactions chimiques de l’altération des roches ou du métabolisme cellulaire, en particulier celles de la photosynthèse. Les mesures montrent, qu’en période glaciaire, le rapport d’isotopes stables de l’oxygène (18O/16O) diminue dans les glaces (H2O) et augmente dans les sédiments carbonatés (CaCO3). L’isotope léger 16O étant préférentiellement piégé dans les glaces, la formation de calottes glaciaires enrichit les océans en H218O. Or, les tests carbonatés des foraminifères sont en équilibre isotopique avec l'eau de mer, le δ18O de ces carbonates augmente ainsi en période glaciaire. La diminution de la température accentue dans le même sens ces phénomènes. En période glaciaire, les carbonates présentent une augmentation du δ13C. Le δ13C des carbonates (rapport des isotopes stables du carbone 13C et 12C) est le résultat d’échanges existant entre différents réservoirs : atmosphère, hydrosphère, carbonates et matière organique. Il existe deux extracteurs naturels du CO2 atmosphérique, responsables de l’induction, par diminution de l’effet de serre, de la chute des températures favorable aux glaciations de la Terre : l’altération des silicates des roches, d’une part, qui consomme du dioxyde de carbone (le fractionnement cinétique favorise l’augmentation du δ13C lors du transfert du CO2 atmosphérique, principale source du carbone inorganique dissous dans l’eau des océans) et la photosynthèse d’autre part, en effet, le 13CO2, plus lourd, diffuse et s’intègre moins bien que le 12CO2 dans la matière organique formée. La présence d’une cryosphère développée neutralise les échanges photosynthétiques entre l’atmosphère et l’hydrosphère (banquise permanente) et ceux, entre l’atmosphère et la lithosphère (inlandsis), de l’altération. Le δ13C reste alors constant. Ultérieurement, le volcanisme enrichit progressivement l’atmosphère en CO2 augmentant l’effet de serre responsable de la fin d’une période de glaciation et l’entrée dans une période greenhouse.


Les glaciations sont des périodes exceptionnelles de l’histoire de la Terre.


On dénombre cinq glaciations caractérisées par le développement de calottes glaciaires : deux au Précambrien, deux au Paléozoïque et la dernière initiée au cours du Cénozoïque se poursuit actuellement. Il n’a pas été retrouvé de traces de glaciations antérieures à 2,5 Ga, ce qui est probablement dû à une atmosphère riche en dioxyde de carbone (CO2) et méthane (CH4) qui provoquaient un effet de serre important. La vapeur d'eau avait déjà condensé pour former l'hydrosphère 150 Ma après la formation de la Terre. La glaciation, lors du Huronien, semble la première.
À trois reprises au moins, notre planète s’est entièrement recouverte de glace et sa surface devait ressembler à celles des gros satellites gelés que sont Encelade (satellite de Saturne) ou Europe et Ganymède (satellites de Jupiter). On parle d’épisode «Terre boule de neige» ou Snowball Earth en anglais : lors de la glaciation huronienne (2,45 - 2,2 Ga) et, au sein du Cryogénien (période géologique qui dura de -720 à - 635 Ma), plus précisément aux glaciations Sturtienne (720 - 659 Ma) et Marinoenne (650 - 635 Ma). La fiabilité des reconstitutions climatiques diminue en remontant dans le passé, en particulier pour les temps précambriens, en raison du manque relatif de terrains sédimentaires préservés et des difficultés de datation permettant d’appréhender la durée des différents épisodes. Des analyses plus précises des pics de 13C dans les sédiments du Globe permettent d’envisager en fait quatre à cinq de ces évènements glaciaires paroxysmiques au Néoprotérozoïque.

La rareté des glaciations dans l’histoire géologique de notre planète témoigne de la nécessité à leur installation d’une convergence d’interactions complexes et exceptionnelles entre l’atmosphère, la lithosphère, la biosphère, l’hydrosphère, la cryosphère et certains paramètres astronomiques comme les variations orbitales de notre planète ou celles de l’activité du Soleil, comme ce fut le cas pendant une bonne partie de la période du Petit Âge Glaciaire, entre le début du XIVe et la fin du XIXe siècle. L’activité du Soleil est corrélable avec le nombre des taches solaires qui diminue, allant jusqu’à disparaître entre 1645 et 1715, dès lors que le rayonnement solaire faiblit. De façon indirecte, grâce à la production des cosmonucléides dans la haute atmosphère, la concentration dans les glaces de certains isotopes radioactifs (10Be et 36Cl) est un bon indicateur de l’activité solaire, au même titre que les taches, à la différence près qu’il en reste une trace archivée.

Lors de la formation du système solaire (il y a environ 4,6 Ga), la jeune Terre ne recevait du Soleil que 70% de ce qu’elle en reçoit aujourd’hui. Tous les modèles numériques radiatifs montrent que, dans de telles conditions, la Terre aurait dû s’englacer complètement et rester des milliards d’années dans cet état. Les gaz à effet de serre (dioxyde de carbone et surtout le méthane) furent responsables du maintien des températures chaudes, environ 50°C à l’Archéen et 30°C au Protérozoïque, à la surface de la Terre, dans ce contexte thermiquement défavorable d’irradiation solaire plus faible.

Évolution de l’intensité lumineuse du Soleil
Fig. 2. Évolution de l’intensité lumineuse du Soleil. Dans sa séquence principale, avant que le Soleil ne se transforme en géante rouge à un âge d’environ 10 à 12 Ga, son intensité lumineuse augmente presque linéairement avec le temps, de 7% par milliard d’années dans cette phase. (D’après D.O. Gough, University of Cambridge, in «Une brève histoire du climat de la Terre»- G. Ramstein, Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement CEA Paris-Saclay –CNRS, Reflets de la physique n°55-2017.)

À mesure qu’il vieillit, le Soleil se réchauffe lentement, ce qui expliquerait pourquoi, plus aucun épisode « Terre boule de neige » (Snowball Earth) ne se soit produit sur la Terre depuis la fin du Cryogénien (-635 Ma).

La tectonique des plaques fut un facteur majeur des modifications climatiques susceptibles d’engendrer les glaciations.


Depuis 4 à 3,2 milliards d’années, période à partir de laquelle l’accrétion continentale devint significative avec mise en place d’une croûte formée de tonalites, trondhjémites et granodiorites (TTG) associées aux ceintures de roches vertes et aux komatiites, le facteur principal de bouleversements climatiques fut la tectonique des plaques.

La valse des continents, entraînés par les mouvements des plaques lithosphériques sur l’asthénosphère, peut aboutir à la formation de supercontinents (Rodinia, entre 1,1 Ga à 750 Ma ; Pannotia, vers 600 Ma et Pangea, vers 300 Ma) puis à leur fragmentation en plaques plus petites. Ce sont les cycles de Wilson. Chaque cycle s'est reproduit, selon les modélisations, une dizaine de fois sur la durée des temps géologiques. Ces modélisations suggèrent que ces cycles sont loin d'être réguliers et que la question d'une réelle périodicité n'est pas tranchée à l'heure actuelle. Néanmoins, ces agrégations et dislocations répétitives des continents furent un des éléments déterminants de l’histoire climatique globale de la Terre.

Chaque glaciation des temps géologiques est ainsi associée à un grand cycle orogénique : l'orogenèse huronienne détectable à la limite entre l’Archéen et le Protérozoïque (aux alentours de 2,5 Ga) ; l'orogenèse panafricaine, s'étendant du Cryogénien jusqu'au début du Cambrien et dont l'orogenèse cadomienne est une phase locale en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest ; l'orogenèse calédonienne, du début du Cambrien au début du Dévonien ; l'orogenèse varisque, du Dévonien à la fin du Permien ; l'orogenèse alpine, du Trias à l’actuel.

On observe une baisse de température à la fin des orogenèses. L’interaction lithosphère-climat à travers l’altération des silicates, joue un rôle crucial dans l’entrée éventuelle en période de glaciation par l’intermédiaire d’une diminution du taux de CO2 atmosphérique et ainsi des températures globales par atténuation de l’effet de serre. L’altération des minéraux silicatés des roches, notamment des feldspaths, consomme en effet du dioxyde de carbone. Dès le début de sa formation, une chaîne de montagnes est soumise à l’érosion. Cette érosion débute par l’altération selon la réaction suivante :

Equation de l'altération des feldspaths

Les ions calcium ainsi libérés réagissent avec l’hydrogénocarbonate dissous dans l'océan pour former du carbonate de calcium qui précipite selon la réaction suivante :

equation de précipitation des carbonates

Au bilan, une molécule de CO2 est ainsi transférée de l'atmosphère vers la lithosphère, ce qui, à l'échelle des temps géologiques, n'est pas immédiatement compensé par les émissions volcaniques. En outre, la mise en place de reliefs, au cours d’une orogenèse, est susceptible, par l’augmentation de l’altitude moyenne des terres émergées, d’entraîner leur refroidissement et la persistance de neige en été.

De plus, la mobilité horizontale et verticale de la lithosphère module profondément les bassins océaniques et par conséquent la circulation des masses d’eau, la mise en place des reliefs montagneux modifie la circulation atmosphérique et le cycle hydrogéologique, plus particulièrement les moussons. Ainsi, les masses d’air chaud et humide provenant des océans peuvent être bloquées, entraînant une aridité continentale des régions sous le vent et leur refroidissement. Les régions au vent connaîtront en revanche de très fortes précipitations qui accroissant le lessivage et l’altération continentale, engendrent une baisse de concentration du CO2 atmosphérique et des températures globales par atténuation de l’effet de serre.

La formation des calottes glaciaires caractérisant une période glaciaire résulte des mouvements des entités continentales, soit quand la tectonique des plaques les amène à entourer une mer polaire comme c’est le cas actuellement pour l’Océan glacial arctique, soit quand elle les dirige vers les zones polaires où elles se couvrent de glace. Neige et glace qui recouvrent les masses continentales réfléchissent une grande partie du rayonnement solaire (augmentation de l’albédo planétaire) et entraînent un abaissement de température. Ce fut le cas à la fin de l’Ordovicien, période au cours de laquelle, la zone au nord du tropique du Cancer était entièrement océanique et la plupart des terres émergées du monde étaient rassemblées dans un supercontinent centré sur le pôle sud et également, du Dévonien terminal au Permien, pour le Gondwana. Le développement de la cryosphère au détriment de l’hydrosphère entraîne une baisse du niveau marin et un accroissement des surfaces continentales, facteur qui provoque également une augmentation de l’albédo terrestre.

Paléogéographie Fin Ordovicien
Glaciation permo-carbonifère
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Fig. 3. Projection polaire de l'hémisphère Sud pendant l'Ordovicien supérieur à - 445 Ma (modifié d’après D. Vaslet 1990 et J.F. Ghienne. 2013)
  Fig. 4. Situation géographique de la calotte glaciaire gondwanienne et des forêts équatoriales à -300 Ma (d’après D.H. Tarling 1973, modifié d’après les données de G. Gonzales-Bonorino & N. Eyles 1995 et celles de M. Senalp – S. Tetiker 2021)

En revanche, lorsqu’il n’y a pas de continents au voisinage des régions polaires, la circulation des eaux océaniques venant des zones tropicales prévient l’accumulation de glace et entraîne un climat général plus tempéré, comme cela fut le cas au Cénomanien.

Configuration tectonique Greenhouse
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Fig. 5. Fin du Cénomanien (in Atlas of Earth History, C. R. Scotese, 2001), configuration période « greenhouse » d’après M. Renard et al., 2015.

Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, une distribution intertropicale des continents semble nécessaire pour permettre l'amorce d'une phase boule de neige (Snowball Earth). Les continents tropicaux réfléchissent plus l'énergie solaire que les océans ; actuellement, la plus grande partie de l'énergie solaire est absorbée par les océans des tropiques. De plus, ces continents reçoivent davantage de pluie qu'à des latitudes plus élevées, ce qui entraîne une altération accrue. L'amorce d'une glaciation globale implique un mécanisme de refroidissement initial, amenant à une couverture élargie de neiges et de glaces, laquelle augmente l'albédo terrestre. Cette situation est facilitée par une distribution des continents proche de l'équateur, permettant à la glace de s'accumuler là où le rayonnement solaire est le plus direct. La boucle de rétroaction positive du refroidissement peut s'emballer jusqu'à amener à ce que même l'équateur soit recouvert de glaces, et atteigne des températures aussi basses que celles de l'Antarctique actuel.

Paléogéographie au Cryogénien et Marinoen
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Fig. 6. Paléogéographie mondiale cryogénienne : le supercontinent Rodinia et le début de sa fragmentation. Reconstructions en projection de Mollweide au début de la glaciation sturtienne à 720 Ma et à la fin de la glaciation marinoenne à 635 Ma. Les étoiles bleues correspondent aux formations glaciaires et périglaciaires, les rouges aux formations de fer rubanné synglaciaires, et les vertes indiquent les dolomies postglaciaires (Cap carbonates) (d’après P.F. Hoffman et al., 2017)
[Paléocontinents : Amaz (Amazonie) ; Av (Avalonia) ; Balt (Baltica) ; Ca (Cadomia) ; Congo ; Dz (Dzabkhan en Mongolie) ; EAnt (Antarctique oriental) ; ESv (Svalbard oriental) ; Ind (Inde) ; Kal (Kalahari) ; Kaz (Kazakhstan) ; NA (Australie du Nord) ; NCh (Chine du Nord) ; Om (Oman) ; P (Rio de la Plata) ; SA (Australie du Sud) ; SCh (Chine du Sud) ; SF (São Francisco au Brésil) ; Sib (Sibérie) ; Tm (Tarim) ; WAfr (Afrique de l'Ouest)].


L’évolution de la biosphère participa également activement aux modifications climatiques responsables des glaciations.


L’émergence de certains métabolismes biologiques au cours de l’histoire de notre planète a eu un impact sur le chimisme de l’atmosphère et de l’hydrosphère et in fine sur le climat. Réciproquement, ces bouleversements climatiques ont eu une influence majeure sur l’évolution de la vie, responsables à la fois d’extinctions massives d’espèces, comme lors du bref épisode glaciaire de l’Ordovicien terminal qui correspond à l’une des cinq crises biologiques majeures identifiées au cours du Phanérozoïque, ou d’explosions biologiques, comme à l’Édiacarien (faune d’Édiacara) et au Cambrien (faune de Burgess), lors de la sortie de la période glaciaire du Néoprotérozoïque.

La glaciation huronienne est concomitante du grand événement d’oxydation (GEO), où la Terre connut une glaciation totale (Snowball Earth), liée à l’effondrement de la teneur atmosphérique en méthane lors de l’irruption de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre il y a 2,45 Ga. Durant cet événement, la concentration atmosphérique en dioxygène atteignit 1 à 10 % de sa valeur actuelle.

Les archées méthanogènes apparurent très tôt vers 3,7 Ga, constituant des écosystèmes en l’absence de lumière et d’oxygène, semblables à ceux rencontrés actuellement au niveau des « fumeurs noirs », sources hydrothermales profondes ou dans le tube digestif des bovidés et des termites. Ces organismes produisirent, à partir de l’hydrogène et de supports carbonés, le dioxyde de carbone entre autres, du méthane, sous-produit métabolique de la vie en conditions anoxiques, par méthanogenèse. Par ailleurs, l’absence de sidérite (FeCO3) dans les vieux cratons atteste, qu’entre 3,2 et 2,2 Ga, la concentration atmosphérique en CO2 ne dépassait pas la valeur actuelle (400 ppm). C’est donc bien cette production de méthane qui maintint pendant des milliards d’années, des taux suffisants de ce gaz à puissant effet de serre, dans l’atmosphère terrestre, évitant ainsi toute glaciation, malgré un Soleil jeune moins rayonnant, du moins jusqu’au grand événement d’oxydation (GEO) puisque le dioxygène, même à faibles doses, est un poison létal pour les archées méthanogènes anaérobies. Ce fut la première grande extinction biologique ! De fait, l’oxygène coupa la source de méthane, et bouleversa l’équilibre radiatif de la planète pour aboutir à la première glaciation de l’histoire de notre planète. Ce changement majeur fut lié à l’apparition, il y a environ 3 Ga, d’organismes procaryotes photosynthétiques, les cyanobactéries, qui produisirent le dioxygène. Ce dernier oxyda, dans un premier temps, le fer ferreux en solution dans les océans. Quand tout le fer ferreux fut transformé en fer ferrique, les océans s'enrichirent graduellement en dioxygène. Lorsque ces derniers furent saturés en dioxygène, il diffusa dans l'atmosphère qui s'enrichit à son tour progressivement en ce gaz.

Evolution de l'atmosphère
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Fig. 7. Variation de la concentration relative de l’atmosphère terrestre en dioxygène, méthane et dioxyde de carbone, de la naissance de la Terre à l’époque présente (d’après Kasting J., 2004, modifié en intégrant les données de Berner R.A., 1997, 1999 ; Pavlov A. et al., 2003 ; Donnadieu Y. et al., 2004 ; Hoffman P.F. et al., 2017).

Pour être complet, il faut également considérer que, d’une part, lorsque dans l’atmosphère, le méthane devint plus abondant que le dioxyde de carbone, il ne fut plus oxydé en monoxyde ou dioxyde de carbone mais polyméré en hydrocarbures qui se condensèrent en microparticules pour former une brume de couleur orangée autour de la Terre, refroidissant le climat par réduction du rayonnement solaire reçu par la planète, comme c’est le cas actuellement autour de Titan, le plus gros satellite de Saturne. On doit tenir compte, d’autre part, du piégeage, au fond des océans, du méthane atmosphérique sous forme de clathrates hydrates qui auraient diminué l’abondance du méthane atmosphérique produit par les archées méthanogènes et par conséquent l’efficacité de l’effet de serre associé.

Inversement une augmentation de la température des océans libère le méthane dans l’atmosphère par déstabilisation des clathrates hydrates accroissant l’effet de serre. Ce mécanisme associé au dégazage important de dioxyde de carbone lors de la mise en place des trapps de Sibérie aurait participé de manière très importante à la crise biologique majeure à la limite Permien-Trias.

C’est au cours du Dévonien, plus précisément au Givétien (-388 Ma), que les continents, qui n’étaient colonisés jusque-là que d’une maigre végétation de psilophytes (Cooksonia et Rhynia), premiers cormophytes et plus anciennes plantes terrestres connues, apparues à la fin du Silurien, se couvrirent de forêts. Ces dernières étaient constituées d’Archéoptéris, appartenant au groupe fossile des progymnospermes pouvant atteindre 20 à 30 mètres de hauteur et considéré comme le premier « arbre moderne », puis au Carbonifère, de luxuriantes forêts équatoriales dont la strate arborée, entre 20 et 50 mètres de haut, était essentiellement formée de ptéridophytes arborescentes (Lépidodendrons, Sigillaires, Calamites) et en lisière de Cordaïtes et la strate arbustive de Ptéridospermaphytes subarborescentes (« fougères » à graines, en réalité des ovules).

Ce développement des végétaux conduisit à une absorption du CO2 atmosphérique via les mécanismes de la photosynthèse, mécanisme efficace au Carbonifère où une grande partie de la matière organique produite fut préservée en raison de l’absence de champignons saprophytes disposant d’enzymes dégradant la lignine. Cette matière organique non recyclée fut progressivement transformée en charbons dans des bassins subsidents : paraliques d’avant-pays liés à l’orogenèse varisque ou limniques intracontinentaux en relation avec les phénomènes de distensions post-orogéniques. Le taux de dioxygène atmosphérique atteignit des niveaux élevés, autour de 30 %, et le taux global de dioxyde de carbone s'établit à moins de 300 parties par million, ce qui correspond aux périodes glaciaires. L’indice stomatique, mesuré sur les frondes et les feuilles fossiles de plantes vasculaires, était élevé or plus il y a de CO2 dans l'atmosphère et moins il y a de stomates. La haute teneur en oxygène favorisa des métabolismes plus énergivores et vit l'émergence en particulier de très grands insectes volants, telle Meganeura monyi, une libellule de 75 cm d'envergure et de myriapodes géants, tel Arthropleura armata, mesurant dans les 2,5 m de long pour une masse estimée à 50 kg.
L’apparition, au cours de l’évolution, des premiers champignons xylophages, ancêtres des Agaricomycètes, coïnciderait avec la fin de cette période. En décomposant le bois mort de manière efficace, ces champignons auraient stoppé, dès le Permien, l’accumulation des débris végétaux qui avait jusqu’alors permis la formation du charbon.

Le rôle du développement forestier doit toutefois être nuancé car il attenue l’albédo ce qui va à l’inverse du refroidissement provoqué par la diminution de la teneur en dioxyde de carbone de l’atmosphère par la photosynthèse.

Les périodes dévonienne et carbonifère se caractérisent en outre à l’échelle globale par un développement très important de bioconstructions carbonatées en particulier à stromatopores, groupe d'éponges, les calcisponges, au squelette massivement calcifié, et à coraux, tabulés et tétracoralliaires. Cette importante production de carbonate de calcium contribua aussi au pompage du CO2 atmosphérique et à une formation croissante de roches carbonatées.

Les oscillations climatiques du Quaternaire s’expliquent essentiellement par les variations des paramètres orbitaux de la Terre autour du Soleil.


La période glaciaire actuelle est bien mieux documentée que les précédentes. Les données isotopiques de l’oxygène mesurées sur les foraminifères benthiques et planctoniques dans de nombreux carottages océaniques et l’étude fine des variations du niveau marin ont permis d’établir, au Pléistocène, l'existence d'une trentaine de périodes glaciaires. Cette succession de cycles glaciaires/interglaciaires au Quaternaire obéit à une périodicité, en relation avec les variations à différents ordres de fréquences des paramètres orbitaux de la Terre autour du Soleil étudiées par le mathématicien et astronome yougoslave Milutin Milanković. Ces fluctuations périodiques entraînent des variations d’intensité de l’insolation de la surface de la Terre et donc du climat ; ceci dans un contexte paléoclimatique général en refroidissement depuis la fin de l’Éocène (-34 Ma). Il y a trois composantes principales qui expliquent la variabilité orbitale de la Terre :

- l’excentricité (période de l’ordre de 100 000 ans)

- l’obliquité (période de l’ordre de 40 000 ans)

- la précession (période de l’ordre 20 000 ans)

Cycles de Milankovicz
Fig. 8. Les différents types de variations des paramètres orbitaux de la Terre. (D’après Science Photo Library / Shockey, Gwen)

- L'excentricité de l'orbite terrestre. L'orbite terrestre est une ellipse, dont le Soleil est l'un des foyers. L'excentricité de l'ellipse mesure la différence de distance entre les deux foyers. Lorsque l'excentricité est faible, l'orbite terrestre est presque circulaire. L'excentricité est engendrée par les attractions gravitationnelles exercées entre la Terre et les autres planètes. La période caractéristique de variation du paramètre est de 100 000 ans. Ce paramètre est le plus influant.

- L'obliquité de l'écliptique. L'angle formé par la direction des pôles et celle de la normale au plan de l'écliptique n'est pas constant. Il varie entre 22,5° et 24,5° suivant une période de 41 000 ans. Ainsi, suivant l'obliquité, les pôles ne recevront pas le même éclairement.

- Précession des équinoxes. La Terre tourne sur elle-même telle une toupie. L'axe de rotation de la Terre balaie un cône, mais celui-ci varie avec une période de 20 000 ans. L'inclinaison de l'axe de rotation terrestre n'affecte pas la quantité totale de l’énergie solaire reçue sur Terre, mais sa distribution.

La théorie astronomique des paléoclimats de Milanković explique, ainsi de façon satisfaisante, les grandes variations climatiques des cycles glaciaires du Quaternaire.

Le Quaternaire est caractérisé par des cycles climatiques rapides et de grande amplitude liés aux fluctuations périodiques des paramètres orbitaux de la Terre, avec des périodes bien marquées de 40 000 ans au Pléistocène et de 100 000 ans à l’Holocène. On dénombre environ une trentaine de glaciations séparées par des interglaciaires.

Fluctuations climatiques depuis 5.5 Ma
Fig. 9. Fluctuations climatiques depuis 5,5 millions d’années (Pliocène) déterminées à partir des variations du taux de deutérium dans les glaces de la station de Vostok (Antarctique) et des isotopes de l’oxygène dans les tests de foraminifères de l’océan Pacifique (Sylvain Coutterand–EDYTEM, CNRS -2017).

Pour expliquer les origines des variations glaciaires-interglaciaires, deux cas extrêmes, parmi de nombreuses configurations orbitales possibles, sont identifiables :

- pour une période glaciaire, l'orbite de la Terre est quasi circulaire (excentricité faible) avec une faible inclinaison et une grande distance Terre-Soleil en été. Il en résulte un faible contraste saisonnier et une configuration favorable à l'apparition d'une période glaciaire ;

- pour l'apparition d'une période interglaciaire, une configuration orbitale avec une forte excentricité (l'orbite de la Terre est une ellipse), une inclinaison forte et une faible distance Terre-Soleil en été, entraîne l’existence de saisons très contrastées.

Même si, dans les temps phanérozoïques anciens, certains paramètres orbitaux terrestres n’étaient pas tout à fait les mêmes, comme le montre le comptage des stries de croissances des coraux ou des lamellibranches avec des années qui comprenaient un plus grand nombre de jours (par exemple, 400 jours pour une année dévonienne) indiquant que la Terre tournait alors plus vite sur elle-même, ce forçage astronomique du climat a toujours existé, comme en attestent les rythmes marno-calcaires des formations déposées dans différents bassins sédimentaires et à des époques distinctes, mais reste très difficile voire impossible à déceler pour les périodes glaciaires plus anciennes.


Le forçage astronomique du climat s’inscrit dans un contexte paléoclimatique général en refroidissement depuis la fin de l’Éocène (-34 Ma).


Les climats du Paléocène et de l’Éocène étaient semblables à ceux du Crétacé, mais, à partir de l’Oligocène, les données isotopiques indiquent un net refroidissement, de l’ordre de 6°C, probablement en lien avec la subduction continentale de la plaque lithosphérique indienne sous celle de l’Eurasie entraînant les surrections du plateau tibétain et de l’Himalaya qui, bloquant les vents humides de l’océan Indien, générèrent de très fortes précipitations. L’accroissement du lessivage et de l’altération par hydrolyse des minéraux de la lithosphère continentale entraînèrent une baisse du CO2 atmosphérique et de l’effet de serre.

Depuis quasiment la fin du Carbonifère (-300 Ma), le continent Antarctique ne s’est guère écarté du cercle polaire alors que le refroidissement ne s’est amorcé que vers -34 Ma. Les premiers IRD (ice-rafted debris) se déposèrent sur la marge antarctique au voisinage de la limite Éocène/Oligocène. La continentalité du pôle Sud ne constitua donc pas le facteur initiateur de la glaciation Cénozoïque.

Les données sédimentologiques (présence de blocs largués par les icebergs, accroissement du pourcentage d’illite et de chlorite par rapport à la kaolinite), géochimiques (augmentation du rapport 18O/16O) des sédiments cénozoïques océaniques de ce secteur géographique et celles du paléomagnétisme montrent que les ouvertures des détroits de Tasmanie entre l’Australie et l’Antarctique et de Drake entre la péninsule Antarctique de l’Amérique du Sud se produisirent au passage Éocène/Oligocène et conduisirent à l’isolement complet du continent Antarctique par la mise en place d’un courant océanique circumpolaire froid qui coupa le continent Antarctique des masses d’eaux chaudes apportées par les courants en provenance des tropiques. Ce refroidissement du continent Antarctique permit son englaciation qui atteignit au Miocène, vers 14-12 Ma, une extension comparable à l’Actuel. Aujourd’hui, l’Antarctique est le continent le plus froid du monde, il est recouvert à 98% de sa surface par une calotte glaciaire d'épaisseur moyenne de 1600 m dont une grande partie dépasse 3000 m d’épaisseur, jusqu’à 5000 m en certains endroits. La calotte glaciaire de l’Antarctique contient actuellement 90% de la glace de la planète et entre 60 et 70% de l’eau douce du monde.


Courant circumpolaire antarctique
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Fig. 10. Courant circumpolaire antarctique. (Fronts de densité de l'eau de mer, d'après A.H. Orsi et al., 1995, et bathymétrie de l'océan austral jusqu'au 25° de latitude sud.)

La glaciation antarctique est ainsi liée à la tectonique des plaques et surtout aux modifications de la circulation océanique qui en résultent, tout comme celle de l’Arctique. Le bassin arctique, bien qu'ouvert depuis l’Éocène sur le bassin atlantique, via la création du détroit de Fram, séparant le Groenland et l'archipel du Svalbard et un pôle Nord centré sur lui depuis le début du Jurassique, le maintenant en position de déficit énergétique lié à l’obliquité de l’orbite terrestre, ne se couvrit d’une calotte glaciaire que depuis 2,75 millions d’années. Cette englaciation ne put se concrétiser qu’à la faveur de la fermeture de l’Isthme d’Amérique Centrale il y a 4 Ma (Pliocène) empêchant le mélange des eaux océaniques atlantiques et pacifiques.

Les données faunistiques et floristiques indiquent un maximum de refroidissement durant l’intervalle 24 000-15 000 ans qui sera suivi par un réchauffement rapide. Contrairement aux inlandsis laurentien et fennoscandien, présents dans l’hémisphère Nord, pendant les maximums glaciaires et disparaissant au début des périodes interglaciaires, avec une périodicité de 100 000 depuis 800 000 ans et de 40 000 ans auparavant, l’inlandsis groenlandais à quelques modulations près est resté pérenne. Il constitue, à ce jour, la plus importante étendue de glace de l’hémisphère Nord. Les dimensions de cette calotte sont importantes : elle s'étale sur 2 400 km de long, entre 60° N et 84° N. Sa surface, relativement plate, est de 1 726 000 km2, à une altitude moyenne de 2 135 m ce qui représente un volume global de 2 000 000 km3 de glace, soit 10 % de l'eau douce à la surface du globe.

Extension des inlandsis et de la banquise dans l'hémisphère nord lors du dernier maximum glaciaire
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Fig. 11. Extension des inlandsis et de la banquise dans l’hémisphère Nord lors du dernier maximum glaciaire (modifié d’après C. Pomerol et al., 2000)

Des éléments de modelés glaciaires et périglaciaires quaternaires se retrouvent dans certains paysages régionaux actuels.

Il n’y a jamais eu d’inlandsis dans les Alpes comme actuellement sur le Groenland, les sommets ne portent pas de traces des glaciations, ils ont toujours été au-dessus du niveau maximum de la glace qui formait d’énormes glaciers dans les vallées. Le principal glacier des Alpes du Sud était le glacier durancien. Il collectait les flux de glace provenant de la bordure orientale du Massif des Écrins, du Massif des Cerces, du Queyras et de la vallée de l’Ubaye. Dans la partie amont du glacier, l’épaisseur de la langue approchait les 1 000 m en Guisane et dans le bassin de Briançon, ou encore dans la vallée de la Vallouise. À l’aval, le front du glacier durancien se situait à une altitude inférieure à 600 m et s’est arrêté dans le secteur actuel de Plan Roman-Le Seuil, 4 km en amont de Sisteron.

Dans notre région, les fluctuations des glaciers, en particulier lors du dernier maximum glaciaire (24 000-14 000 ans BP), ont laissé des traces caractéristiques d’un modelé glaciaire. Ces glaciers ont abandonné, en se retirant :

- des formes d’érosion. Le creusement par la glace donne à la vallée une forme en U caractéristique appelée auge glaciaire comme par exemple près de Vars (05), le vallon Laugier, suspendu au-dessus du val d'Escreins par un verrou glaciaire avec un substratum rocheux, appelé plancher glaciaire, bosselé et/ou cannelé et/ou strié par les cailloux entraînés par la glace ;

- des formes d’accumulation (moraines). Les glaciers arrachent, poussent ou transportent puis déposent des matériaux en front de langue ou qui s’éboulent sur ses bords pour former des moraines et des blocs erratiques. Ces derniers transportés par le glacier,  abandonnés lors de la fonte de la glace, sont restés in situ alors que les matériaux morainiques plus fins ont été déblayés par l’érosion (exemples : la Peyre Ossel à Gap ou le Rocher Pointu à Vallouise).

Les moraines frontales que l’on trouve aujourd’hui sont les témoins d’un épisode d’avancée de la langue glaciaire. Elles forment des collines en croissant concave vers l’amont appelé vallum ou amphithéâtre morainique comme on peut le découvrir dans des communes des Hautes-Alpes (par exemple à Montmaur près de Gap). Dans une ancienne vallée glaciaire, la moraine frontale la plus avancée est ainsi plus ancienne que celles qui sont plus en amont. De même, la moraine latérale la plus élevée est la plus ancienne.

L’hétérogénéité des matériaux morainiques est propice à une érosion différentielle expliquant la formation de cheminées de fées ou demoiselles coiffées. Les plus spectaculaires sont visibles dans la région de la retenue de Serre-Ponçon : site de Pontis, à quelques kilomètres de Savines en rive gauche du lac, en aval du barrage à Remollon et à Théus (ravin du Vallauria, sous le Mont Colombis). Un bloc sommital (la coiffe) protège du ravinement par les eaux de ruissellement une colonne de moraine plus ou moins indurée par des remontées de sels minéraux.

Des alignements de collines allongées, en "dos de baleine", dans la vallée glaciaire de la Durance en amont de Sisteron, sont des drumlins, restes de la moraine de fond dont l’alignement symbolise le sens d’écoulement du glacier.


Des lacs, correspondent à des lacs de retenue par des moraines frontales de stades de retrait, par exemple le lac d’Arsine en amont de Monêtier-les-Bains. D’autres représentent des lacs de surcreusement en amont de verrous glaciaires (exemple, le lac de l'Eychauda, situé en zone centrale du parc national des Écrins et accessible par la commune de Vallouise-Pelvoux). Lorsqu’un verrou, constitué par des roches plus résistantes à l’abrasion, tend à bloquer l’écoulement d’un glacier, la glace continue à s’accumuler en amont et excave les roches les plus tendres. Enfin, certains lacs ont une origine mixte, c’est le cas du lac Saint-Anne dans le Queyras.

Par ailleurs de nombreuses plaines de montagne parfaitement horizontales situées en amont de verrous glaciaires ou de moraines sont d’anciens lacs comblés : vallon de Freissinières, plaine de la Roche de Rame, vallon de Cervières, pré de Madame Carles…

En périphérie, l’action conjuguée des cycles gel-dégel et du ruissèlement de l’eau de fonte des neiges a façonné, sous un maigre couvert végétal de toundra, des modelés dits périglaciaires.

Certains ombilics glaciaires, après le retrait du glacier, se remplissent d’eaux de fonte formant des lacs de taille variable qui peuvent favoriser le développement de tourbières en climat humide et frais dans les milieux mal drainés, pauvres en éléments minéraux nutritifs, essentiellement alimentées par les eaux de pluie. Le lac de Saint-Léger, sur la commune de Montclar (04), occupe une petite dépression à fond étanche entre deux buttes constituées de dépôts morainiques. Les conditions anoxiques qui en découlent favorisent le développement de plantes turfigènes, essentiellement des mousses du genre sphaigne. Les tourbières eurent certainement une extension beaucoup plus grande lors des périodes froides du Quaternaire.

Les éboulis lités ou grèzes, éboulis de pente consolidés en brèche, à éléments anguleux ordonnés en lits, au pied de versants calcaires, sont issus des actions de cryoturbation. Lorsque le terrain présente une certaine déclivité, les matériaux soulevés par le gonflement cryogénique se déplacent vers l’aval sous l’effet de la gravité. Ce déplacement par cryoreptation ou solifluxion, de l’ordre de quelques millimètres par an, correspond à un affaissement vertical du sol lors du dégel qui fait suite à son soulèvement gélival, perpendiculaire à la pente. Ces éboulis, à la matrice de couleur brune, sont observables par exemple au niveau de la Calanque de Marseilleveyre (littoral marseillais du massif des Calanques) ou du vallon des Glauges dans le massif des Alpilles.

Dans la Crau, les vues aériennes révèlent l’existence de fentes en coin dessinant des réseaux de polygones de toundra, remplies de sables apportés par le vent. Ce sable a poli les galets qui étaient en surface, aboutissant à des galets « à facettes ». Le plus souvent ces galets sont de forme pyramidale avec trois arêtes comme le suggère le mot allemand "dreikanter". Ces polygones de toundra indiquent une moyenne annuelle des températures inférieures à -4°C avec des pointes hivernales autour de -30°C.

Des lœss, poussières de 10 à 50 micromètres de quartz, calcaire et argile, résultant de la déflation par les vents catabatiques de farines glaciaires déposées en avant des glaciers, ont été piégés dans les fonds de ravins où ils s’observent encore de nos jours (environs d’Aubagne, piedmont du massif de Marseilleveyre et de la chaîne de La Fare ou dans les gorges de la Nesque.) Les vents catabatiques sont des vents gravitationnels produits par le déséquilibre d'une masse d'air refroidie, devenue de ce fait plus dense, qui dévale alors un relief géographique. La vitesse de ces vents peut être extrêmement élevée (plus de 200 km/h).

Les échanges entre hydrosphère et cryosphère sont responsables de variations eustatiques au Quaternaire.

Les fluctuations de grande amplitude du niveau de la mer sont étroitement liées au glacio-eustatisme, résultant du stockage en glace continentale d'une partie de l'hydrosphère ou du déstockage d’une partie de la cryosphère en eau, et au thermo-eustatisme (une variation de 1°C de la température moyenne des eaux de mer provoque par dilatation thermique une variation de l’ordre du mètre), mais dépendent aussi des déformations néotectoniques et des réajustements isostatiques qui accompagnent les glaciations et déglaciations.

Le stockage de glace sur les hautes et moyennes latitudes, sous forme de calottes et l’extension de grands glaciers ont eu pour conséquence des abaissements du niveau marin impliquant de grandes surfaces émergées du plateau continental. Avec les calottes glaciaires sur les continents, le niveau marin était plus bas de 100 à 135 mètres par rapport à l’actuel et le rivage du golfe du Lion était déplacé de 100 km vers le large. La mer Méditerranée était donc plus petite. Le repérage des « trottoirs » algaires fossiles immergés (bioconstructions, par des algues calcaires du genre Lithothamnium, le long des rochers, au niveau de la zone de déferlement des vagues), le levé topographique des replats et des « tombants » (terme utilisé par les plongeurs provençaux pour parler du surplomb généré par l’action du ressac) par observations sous-marines directes et les relevés cartographiques sous-marins au sondeur à faisceaux multiples (sea-beam) pour les secteurs au-delà de - 60 mètres de profondeur, ont permis de reconstituer les paléorivages successifs. L'un d'entre eux, situé à - 55 mètres de profondeur, a été daté au 14C sur les concrétions algaires fossiles le recouvrant ; la vitesse moyenne de croissance du concrétionnement calculée par les biologistes marins a permis d’estimer le début de la formation de ce paléorivage. Les autres datations sont proposées à partir d'observations ponctuelles : remplissages de grottes sous-marines, corrélation avec des sites préhistoriques, taux de nucléides cosmogéniques résultant du rayonnement solaire lors de leur émersion.

Remontée du niveau marin depuis 20 000 ans dans le secteur géographique du littoral marseillais
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Fig. 12. Remontée du niveau marin depuis 20 000 ans dans le secteur géographique du littoral marseillais. D’après J. Collina-Girard « Roches et paysages du Massif des Calanques et de ses archipels » in Bourideys J. « La géologie des Bouches du Rhône, roches et paysages remarquables » BRGM 2020.

L'abaissement du niveau de la mer lors du dernier maximum glaciaire est en particulier bien matérialisé par la présence d'une grotte anciennement occupée par les êtres humains « chasseurs-cueilleurs » du Paléolithique supérieur et aujourd'hui en partie submergée : la grotte Cosquer, située sur la commune de Marseille, au cap Morgiou dans le massif des Calanques, dont l’accès ne peut se faire qu’en plongée sous-marine depuis l’entrée d’une galerie naturelle longue de 116 mètres située à 37 mètres de profondeur. Cette grotte a connu deux périodes d’occupation humaine, il y a 29 000 et 21 000 ans. Le niveau de l’époque de la mer Méditerranée se situait à -135 mètres. Les peintures et gravures réalisées sur les parois de la grotte Cosquer représentent une faune aujourd’hui différente de l’actuel : grand pingouin, cerf mégacéros, antilope saïga, bison à longues cornes, cheval de Przewalski, qui indiquent des faunes côtière et steppique d’environnement périglaciaire.

Coupe géologique du Cap Morgiou montrant l'emplacement de la grotte Cosquer
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Fig. 13. Coupe géologique du Cap Morgiou montrant l'emplacement de la grotte Cosquer, © J. Collina-Girard

Cette baisse du niveau de base lors des épisodes de glaciations quaternaires entraîne un surcreusement par érosion régressive des cours d’eau qui est responsable de deux traits géomorphologiques majeurs : les Calanques et les terrasses fluvio-glaciaires.

Les Calanques de Marseille et celle de Cassis (Port-Miou) correspondent à d’anciennes vallées fluviatiles entaillées par l’érosion régressive de petits fleuves côtiers dans les calcaires blancs de faciès Urgonien et d’âge Barrémien lors des baisses du niveau de la mer en période glaciaire et actuellement ennoyées lors de la transgression flandrienne résultant du réchauffement climatique lors du présent Interglaciaire. Les calanques doivent donc être considérées comme des rias.
Un lien existe entre la présence de failles de directions NE-SW et NW-SE se prolongeant en mer et structurant les cours supérieurs des canyons sous-marins et la localisation et le tracé de la plupart des calanques, par exemple la faille de Sainte-Croix qui aboutit à la Calanque de Sugiton avant de s'abîmer en mer. Les calanques sont également en relation avec des thalwegs à l’intérieur des terres, matérialisant le lit des paléofleuves côtiers, ainsi la Calanque de Port-Miou se prolonge au nord jusqu’à la doline du Logisson par un thalweg, le ravin de Gorgue Longue.

Dans la morphologie périglaciaire, on retrouve enfin les terrasses fluvio-glaciaires dont la formation résulte du glacio-eustatisme.

Les terrasses, comme celles de la moyenne Durance qui dominent le niveau actuel de la rivière de 50 à 100 mètres, entre autres, à Mont-Dauphin, Châteauroux-les-Alpes et Embrun et celles de son affluent la Bléone dans les Alpes de Haute-Provence, correspondent à des zones planes situées sur les versants d’une vallée fluviale et sont constituées de poudingues, de dépôts sablo-gréseux et de limons dont l’épaisseur et la granulométrie des éléments constitutifs en un point donné du cours d’eau dépendent de la compétence de celui-ci. Les datations par radionucléides cosmogéniques (26Al, 10Be notamment), permettent de dater la mise à l’exposition de surfaces rocheuses, et désormais d’établir de manière précise l’âge des terrasses. Il en est de même pour les moraines.

Pendant les épisodes glaciaires, le niveau des mers s’abaisse : il en résulte un remblaiement à l’amont des vallées fluviatiles et un creusement par érosion régressive en aval. C’est l’inverse lors des épisodes interglaciaires : les eaux de fonte des glaciers provoquent en amont un creusement dans les dépôts fluviatiles de l’épisode glaciaire précédent et l’élévation du niveau des mers conduit au dépôt d’alluvions à l’aval.

Lorsque le creusement qui sépare les périodes d’alluvionnement est plus important que celles-ci, le substratum est mis à nu, on obtient des terrasses étagées, exception apparente au principe de superposition de la datation relative des événements géologiques. Inversement, si le creusement est moins important que la phase d’alluvionnement, les alluvions des différentes périodes se déposent les unes sur les autres sans que le substratum n’apparaisse, on aboutit à des terrasses emboîtées.

Terrasses fluvio-glaciaires elmboîtées et étagées
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Fig. 14. Schéma de la disposition des terrasses fluvio-glaciaires : A, étagées ; B, emboîtées (d’après J. Aubouin, R. Brousse, J.-P. Lehman 1973)

Des formations travertineuses, datant du Pléistocène inférieur à l’Holocène, sont fréquentes dans notre région : piémont sud du Grand Luberon (84), Meyrargues (13), Serre de Montdenier (04), vallées du Queyras (05), différentes localités du Var. Elles constituent, plus particulièrement dans la topographie actuelle du bassin de Marseille, deux entablements de surface importante (une dizaine de kilomètres carrés) et d’une vingtaine de mètres de puissance : au nord, la dalle de La Viste - Saint Antoine et au sud-est, le plateau de Beaumont - Saint Julien.

Les eaux météoritiques enrichies en dioxyde de carbone (réactions de respiration et de fermentation liées aux êtres vivants du sol) en s’infiltrant dans les diaclases des massifs calcaires de l’Étoile au nord et d’Allauch à l’est, ont transformé le carbonate de calcium (CaCO3), insoluble dans une eau pure, en ions hydrogénocarbonates (HCO3-) et ions calcium (Ca2+) très solubles. La circulation des eaux souterraines s’interrompant au contact des roches imperméables (argilites et poudingues à ciment siliceux) du bassin de Marseille, de l’eau minéralisée sortait au niveau du griffon de nombreuses sources. La dépressurisation subie par l’eau à l’exutoire ou à la faveur de chutes d’eau (cascades) provoquait un dégazage de CO2 favorable à la précipitation du carbonate de calcium. Au voisinage des sources et dans le bassin, les peuplements de végétaux chlorophylliens aquatiques et de cyanobactéries diminuaient aussi la pression partielle du CO2 en le prélevant pour la photosynthèse. Dans les deux cas, la précipitation des cristaux de carbonate de calcium qui forment le travertin a pétrifié la végétation riveraine selon la réaction d’équilibre des carbonates :

Equation de précipitation des carbonates

La précipitation du carbonate de calcium a été en outre favorisée par la présence à la base du karst de niveaux triasiques de gypse (sulfate de calcium hydraté). Le partage de l’ion calcium entre carbonate de calcium et sulfate de calcium, entraîne la diminution de solubilité de la calcite en présence de gypse

Les travertins se présentent en dépôts finement laminés. Les lamines sont des constructions stromatolithiques dues à des tapis de cyanobactéries et traduisent des activités saisonnières. L'aspect caverneux des travertins est dû à la disparition de débris végétaux (mousses, phragmites) encroûtés par la précipitation du carbonate de calcium. La végétation repousse de manière continue sur la structure encroutée au fur et à mesure qu'elle se calcifie et meurt. Au sein de la roche qui se forme, la nécromasse se décompose pour ne laisser que la matrice minérale.

La travertinisation dépend de paramètres physico-bio-chimiques, eux-mêmes déterminés par l'évolution des hydro-systèmes karstiques, en grande partie sous contrôle tectonique (soulèvement tectonique d'ensemble lié à des réajustements isostatiques), eustatique et climatique (alternance des épisodes glaciaires et interglaciaires).

La chute du niveau de base lors de chaque épisode glaciaire, a généré une intense karstification des massifs calcaires périméditerranéens. Or, moins un système est karstifié, plus il est favorable aux constructions travertineuses. En effet, moins la structure de drainage est organisée, plus le temps de contact entre les trois phases (dioxyde de carbone, eaux, carbonates) est long et dans ce cas, la solution tendra vers l'équilibre avec la phase solide et sera plus favorable à la travertinisation.
Par ailleurs, une relation privilégiée existe entre la formation des travertins et optima climatiques. Le maximum de travertinisation correspond au développement d'un couvert forestier. Cette couverture bio-pédologique produit, d'une part, une importante quantité de CO2 et tend à régulariser, d'autre part, les infiltrations et par conséquent, le régime des sources.

Enfin, les travertins de Marseille ont livré des restes d’éléphants (Mammuthus meridionalis) et une riche paléoflore de climat tempéré.
Les périodes de réchauffement interglaciaires semblent ainsi propices à la formation de travertins. Une étude paléomagnétique récente a identifié, dans la partie supérieure des travertins marseillais, l’épisode Jaramillo daté de 1,06 - 0,9 millions d’années et de reconnaître quatre cycles de croissance de 100 000 ans qu’il est tentant de corréler avec la fréquence, depuis 1 Ma, des oscillations climatiques liés aux fluctuations périodiques des paramètres orbitaux de la Terre.

L’évolution de la biosphère au cours de l’histoire géologique de notre planète participa activement aux modifications climatiques. La période actuelle l’illustre à nouveau. Une espèce animale, Homo sapiens, assimilable à une espèce invasive, au sens biologique du terme, dont la population n’a fait que croître de manière exponentielle à travers une forte dynamique reproductive, a colonisé tous les milieux terrestres aux dépens des autres espèces, et ses activités ont, depuis sa sortie d’Afrique entre 150 000 et 100 000 ans, dénaturé profondément les écosystèmes et continuent de le faire, entraînant la disparition de très nombreuses espèces vivantes. Cet état de fait amène une grande partie de la communauté scientifique à parler d’une sixième crise biologique majeure en cours. Certains scientifiques et les médias évoquent l’« Anthropocène », nouvelle époque qui se caractérise par l’avènement des êtres humains comme principale cause de changements sur Terre, mais ce concept est très controversé par les géologues et loin de faire l'unanimité au sein de la sphère des géosciences.
Les êtres humains, dans une période froide où, fait rare dans l’histoire géologique de la Terre, des calottes de glace existent à la surface du globe, font parcourir au taux de dioxyde de carbone atmosphérique le chemin inverse de celui de la dernière moitié du Cénozoïque, non pas en 34 millions d’années, mais en moins de deux siècles, en réinjectant massivement dans l’atmosphère le dioxyde de carbone stocké à différentes périodes géologiques dans des roches carbonées (charbons, pétroles) et des roches carbonatées (calcaires, dolomies). Dans ces conditions, le problème d’une part de la stabilité des calottes antarctique et groenlandaise et celui d’autre part de la dilatation thermique des océans, conséquence d’une augmentation globale des températures de quelques degrés Celsius, se posent. Il faut s’attendre :

- primo, à une remontée du niveau marin de quelques mètres qui suffira à poser d’énormes problèmes sur une planète où vivent 8 milliards d'êtres humains, dont une forte proportion sur les côtes ;

- secundo, à la déstabilisation de l’inlandsis groenlandais qui pourrait considérablement ralentir, par refroidissement des eaux de l’océan Atlantique, la circulation thermohaline, en particulier le Gulf Stream, et ainsi conduire à un climat plus froid en Europe occidentale dans un monde globalement plus chaud.

La crise environnementale globale actuelle constitue le défi majeur auquel l’humanité se trouve confrontée. L’explosion de la démographie humaine et la surexploitation des ressources naturelles et les pollutions multiformes qui en découlent, en constituent la principale cause. Comme l’a écrit et répété inlassablement François Ramade depuis près de quatre décennies, le problème de la mise en adéquation des termes du quadrinome : populations, ressources, environnement et développement, se pose avec une terrible acuité et ne pourra être résolu que par l’adoption et la mise en œuvre, par les instances internationales compétentes, d’un programme de limitation drastique de la natalité à l’échelle de l’ensemble de l’espèce humaine, tant dans les pays développés que dans ceux en voie de développement. Cette baisse des naissances passe par la reconnaissance du droit des femmes à l’éducation et de leur place dans la société, sujets éminemment essentiels.

Faute de quoi il faudra accepter l’idée de voir s’éteindre inexorablement l’espèce Homo sapiens, comme d’autres espèces l’ont déjà fait, lors de cette sixième crise biologique majeure. L’évolution biologique et plus largement l’histoire géologique de la planète Terre continuera, mais sans nous … !


Cette synthèse est, pour l’essentiel, inspirée des travaux ou ouvrages suivants :

- Bard E., Raisbeck G., Yiou F., Jouzel J., 2000 – Solar irradiance during the last 1200 years based on cosmogenic nuclides. Tellus, 52B ; pp. 985–992 ;

- Berner, R.A., 1997 - The Rise of Plants and Their Effet on Weathering and Atmospheric CO2, Science, Vol. 276, pp. 544-546 ;

- Berner R. A., 1999 - Atmospheric oxygen over Phanerozoic time. Proc. Natl. Acad. Sci. USA Vol. 96, pp. 10955– 10957 ;

- Collina-Girard J., 1999 - Les replats littoraux holocènes immergés en Provence et en Corse : implications eustatiques et néotectoniques. In: Quaternaire, vol. 10, n°2-3, 1999. pp. 121-131 ;

- Collina-Girard J., Rousset C., 2020 - Les climats froids du Quaternaire et leurs témoignages dans le massifs des Calanques in Bourideys J. « La géologie des Bouches du Rhône, roches et paysages remarquables » BRGM, pp. 161-172 ;

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1. Les marqueurs glaciaires et périglaciaires
 

1.1 Les formes d’érosion glaciaire

- Cirques glaciaires
- Auges glaciaires
- Vallées suspendues
- Planchers glaciaires
- Lacs de surcreusement en amont de verrous glaciaires.

1.2 Les formes d’accumulation glaciaire

- Moraines

• Drumlins
Vallum morainique
• Lacs de retenues par des moraines frontales de stades de retrait
Cheminées de fées

- Blocs erratiques

1.3 Les formes de modelé périglaciaire

- Éboulis lités ou grèzes
- Réseaux de polygones de toundra
- Lœss
- Galets à facettes
- Tourbières


1.4 Les données paléontologiques

- Macrofossiles
- Pollens fossiles
- Gravures et peintures rupestres

 

2. Les marqueurs glacio-eustatiques
 
- Calanques
- Grotte Cosquer
- Trottoirs algaires
- Terrasses fluvio-glaciaires
- Formations travertineuses

 

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