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Distensions post-orogénique varisque (310-350 Ma)
Le cycle orogénique varisque, débuté il y a environ 420 Ma, fin Silurien-début Dévonien, s’est achevé entre - 310 et - 295 Ma, avec l’érosion intense des chaînes de montagnes formées dont ne restent à l’affleurement que les matériaux provenant de leur démantèlement et les racines profondes sous forme de roches métamorphiques avec des intrusions de granites tardifs. Lorsque cessent les contraintes compressives, certaines chaînes de montagne formées peuvent subir un effondrement gravitaire post-tectonique à l’origine de structures en extension et en décrochement.

Ainsi au Carbonifère supérieur (principalement au Stéphanien, vers 300 Ma), cette distension s’est traduite par l’intrusion de filons basiques lamprophyriques (massif des Ecrins-Pelvoux) et l’érosion des reliefs a alimenté en matériaux terrigènes des bassins limniques subsidents. Les puissants dépôts détritiques (jusqu’à 1500 m) alternent avec des bancs de charbons résultant de la transformation, lors de l’enfouissement lié à la subsidence tectonique, de la matière organique végétale.

Les bassins du Reyran et de Pennafort, dans le massif du Tanneron, et de Plan-de-la-Tour dans le massif des Maures, sont limités par des failles normales orientées Nord-Sud. Celui de Barles, dans les Alpes de Haute-Provence, recouvert par la nappe de charriage de Digne, n’apparaît qu’à la faveur des clues creusées par le Bès.  La zone houillère briançonnaise diffère des bassins précités par sa plus grande extension, sa puissance (3000 m), son âge (du Namurien au Stéphanien) et la transformation de la houille en anthracite par métamorphisme lors de l’orogenèse alpine.
Les dépôts carbonifères peuvent présenter des intercalations de cinérites dont la nature rhyolitique laisse à penser que ce sont des cendres émises par un volcanisme vraisemblablement contemporain de la mise en place en profondeur de batholites granitiques calco-alcalins comme ceux du Plan-de-la-Tour (~ 304 Ma) et du Rouet (~ 302 Ma), respectivement dans les massifs des Maures et du Tanneron.

Ces granites alumineux (présence de cordiérite et muscovite), monzonitiques (proportion sensiblement égale de feldspaths calco-sodiques et potassiques) sont intrusifs dans des gneiss migmatitiques. Ces batholites résultent de la fusion partielle (anatexie) de la croûte continentale et sont caractéristiques des zones de collision continentale. Des pans entiers de croûte continentale peuvent être enfouis assez rapidement par subduction (de l’ordre du cm/an) et sous-charriages en collision mais leur réchauffement se fait beaucoup plus lentement et leur fusion partielle n’a lieu que 25 à 30 Ma  après la fin des mouvements qui en sont la cause. C’est ce qui explique leurs  modes de gisements, sécants sur les principales structures tectoniques régionales.

Au Permien, dans de vastes bassins continentaux subsidents, eux aussi limités par des failles normales mais d’orientations différentes (E-W), s’accumulent, avec une puissance pouvant atteindre 2 000 mètres (dépression du Luc), des sédiments détritiques à l’origine d’arkoses, grès, et argilites. Une constante de ces sédiments détritiques est leur couleur rouge témoignant d’un climat chaud où alternaient saisons sèches (fentes de dessiccation) et  humides propices à la libération des oxydes de fer. Dans la région briançonnaise, des conglomérats, de teinte pourpre avec clastes de rhyolite, constituent un passage progressif avec le Trias. C’est le faciès Verrucano.
Les formations permiennes sont caractérisées par une interférence permanente entre la tectonique distensive, le volcanisme et la sédimentation continentale. En effet, cette phase de distension N-S s’accompagne d’un volcanisme important et correspond à un rifting continental, préludant àl'ouverture de l’océan Alpin (la Téthys ligure).
Le volcanisme permien majoritairement localisé dans le massif de l'Estérel, se caractérise par un dualisme :
- un volcanisme appartenant à la série magmatique alcaline, modeste, sous forme de sills et dykes doléritiques, de coulées aériennes ou sous-lacustres (hawaïtes, mugéarites, rares benmoréites) et de necks trachytiques ;
- un volcanisme acide, important, essentiellement des ignimbrites rhyolitiques à grande extension et des rhyolites fluidales plus ponctuelles sous forme de dômes et dômes-coulées.

Les ignimbrites (littéralement « pluie de feu ») sont des roches qui résultent du dépôt et du refroidissement de nuées ardentes, transport de fragments solides de toutes tailles en suspension dans un gaz à très haute température (jusqu’à 1000°C). On parle aussi de coulées pyroclastiques. Sept « coulées » ignimbritiques sont dénombrées dans l’Estérel, deux ont des volumes considérables : 60 km³ pour la dernière, 25 km³ pour la cinquième en comparaison aux 13 km³ de l’archétype ignimbritique de la Vallée des Dix Mille Fumées en Alaska. L’ignimbrite rhyolitique permienne la plus récente, et la plus importante, s’étend depuis le golfe de la Napoule jusqu’aux environs de Vidauban soit près de 40 km, remplissant totalement le fossé permien, avec des épaisseurs variant de 150 à 300 m. De nombreux filons au niveau de la faille bordière nord du bassin d’effondrement en représentent les conduits d’alimentation.

Des roches volcaniques identiques à celles de l’Estérel affleurent dans le Briançonnais (gorges du Guil), en Corse et en Sardaigne, avec en plus des granites, de même composition chimique et de même âge. De telles similitudes rendent compte d’une histoire géologique commune anté-permienne de la vaste chaîne varisque qui avait réuni l’essentiel des masses continentales en un seul super-continent, la Pangée, aujourd’hui fragmentée.

La bi-modalité du volcanisme permien, avec dominance de laves acides et présence à moindre titre de laves basiques, s’inscrit dans un contexte d'extension continentale qui traduit la fragmentation de la Pangée.  L’existence de deux pôles magmatiques différents peut être expliquée et schématisée de la manière suivante :
lors de l’arrêt de la subduction continentale en fin d’orogenèse varisque, la croûte continentale, épaissie par les chevauchements, soumise sous l'effet des forces de volume à une extension généralisée, s’est fracturée et amincie. La décompression de la croûte inférieure, chaude a provoqué sa fusion partielle : c’est une anatexie crustale. Ce phénomène fut amplifié par un apport de magma basique résultant de la fusion partielle de l’asthénosphère induite par décompression lors de sa remontée provoquée par le détachement du panneau lithosphérique plongeant (lithospheric breakdown ou délamination lithosphérique). Seule une fraction du magma basaltique généré, remontée à travers la croûte, est parvenue à la surface. La plus grande partie, restée en plaquage sous la croûte sus-jacente, a entraîné son anatexie par échange thermique. Une telle fusion partielle crustale produit un volume important de magma acide : propulsé en surface il fournît les ignimbrites rhyolitiques tandis que sa cristallisation en profondeur fut à l’origine des granites comme ceux de  Corse et Sardaigne.


Évolution chaîne de montagnes - subduction continentale
Évolution d'une chaîne de montagnes - distension postcollisionnelle
légende des figures
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Schéma de l’évolution finale de la chaine varisque au Carbonifère terminal (1)/Permien (2), adapté d’après Christian Nicollet 1999 et Pierre Thomas 2019.

En (1) arrêt de la subduction continentale et du raccourcissement

En (2), extension tardi-collisionnelle et délamination lithosphérique (lithospheric breakdown) : amincissement crustal (avec failles normales et grabens) ; détachement du panneau lithosphérique plongeant sous la chaîne ; remontée de matériel asthénosphérique et fusion partielle par décompression avec production de magma basaltique alcalin ; anatexie de la croûte continentale par échange thermique avec le diapir asthénosphérique ; production de grandes masses de magma rhyolitique.

Le volcanisme permien est contemporain d’un épisode de rifting continental qui a avorté dans la région provençale mais s’est poursuivi par ailleurs, donnant naissance au futur océan alpin … début d’un nouveau cycle de Wilson : le cycle orogénique alpin.

À la fin du Paléozoïque, l’actuelle Europe est une immense pénéplaine couvrant des milliers de kilomètres carrés.

     
1 - Les marqueurs sédimentaires
(puissance importante des dépôts dénotant une forte subsidence)
 

- faciès continentaux

2 - Les marqueurs tectoniques
 
- failles normales permiennes
3 - Les marqueurs magmatiques
 
- magmatisme carbonifère tardi-orogénique

- magmatisme bimodal contemporain du rifting permien
  • magmatisme alcalin
  • volcanisme rhyolitique essentiellement ignimbritique


• 11/2020 • Les auteurs • Les sources documentaires •
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