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Distension permienne, prélude au cycle orogénique alpin
Au Permien, dans de vastes bassins continentaux subsidents, limités par des failles normales d’orientation Est-Ouest, s’accumulent, avec une puissance pouvant atteindre 2 000 mètres (dépression du Luc), des sédiments détritiques à l’origine d’arkoses, grès, et argilites. Une constante de ces sédiments détritiques est leur couleur rouge témoignant d’un climat chaud où alternaient saisons sèches (fentes de dessiccation) et humides propices à la libération des oxydes de fer. Dans la région briançonnaise, des conglomérats, de teinte pourpre avec clastes de rhyolite, constituent un passage progressif avec le Trias. C’est le faciès Verrucano.

Les formations permiennes sont caractérisées par une interférence permanente entre la tectonique distensive, le volcanisme et la sédimentation continentale. En effet, cette phase de distension Nord-Sud s’accompagne d’un volcanisme important et correspond à un rifting continental, préludant à l'ouverture de l’océan Alpin (ou Téthys ligure).

Le volcanisme permien majoritairement localisé dans le massif de l'Estérel, se caractérise par un dualisme :

- un volcanisme appartenant à la série magmatique alcaline, modeste, sous forme de sills et dykes doléritiques, de coulées aériennes ou sous-lacustres (hawaïtes, mugéarites, rares benmoréites) et de necks trachytiques ;

- un volcanisme acide, important, essentiellement des ignimbrites rhyolitiques à grande extension et des rhyolites fluidales plus ponctuelles sous forme de dômes et dômes-coulées.

Les ignimbrites (littéralement « pluie de feu ») sont des roches qui résultent du dépôt et du refroidissement de nuées ardentes, transport de fragments solides de toutes tailles en suspension dans un gaz à très haute température (jusqu’à 1000°C). On parle aussi de coulées pyroclastiques. Sept « coulées » ignimbritiques sont dénombrées dans l’Estérel, deux ont des volumes considérables : 60 km³ pour la dernière, 25 km³ pour la cinquième en comparaison aux 13 km³ de l’archétype ignimbritique de la Vallée des Dix Mille Fumées en Alaska. L’ignimbrite rhyolitique permienne la plus récente, et la plus importante, s’étend depuis le golfe de la Napoule jusqu’aux environs de Vidauban soit près de 40 km, remplissant totalement le fossé permien, avec des épaisseurs variant de 150 à 300 m. De nombreux filons au niveau de la faille bordière nord du bassin d’effondrement en représentent les conduits d’alimentation.

Des roches volcaniques identiques à celles de l’Estérel affleurent dans le Briançonnais (gorges du Guil), en Corse et en Sardaigne, avec en plus des granites, de même composition chimique et de même âge. Par ailleurs, des filons lamprophyriques intrudent les migmatites varisques et les granites d’âge Permien inférieur du massif de l’Argentera-Mercantour (zones de Valscura et de la vallée du Haut Boréon). De telles similitudes rendent compte d’une histoire géologique commune anté-permienne de la vaste chaîne varisque qui avait réuni l’essentiel des masses continentales en un seul super-continent, la Pangée, aujourd’hui fragmentée. Ces mises en place sont en lien avec l’amincissement lithosphérique d’âge Permo-Triasique qui annonce le cycle orogénique de Wilson, alpin, suivant.

La bi-modalité du volcanisme permien, avec dominance de laves acides et présence à moindre titre de laves basiques, s’inscrit dans un contexte d'extension continentale qui traduit la fragmentation de la Pangée. De nombreuses études paléo-magnétiques récentes démontrent que cette extension permienne résulte de modifications des conditions cinématiques aux limites des plaques impliquées. L’existence de deux pôles magmatiques différents peut être expliquée et schématisée de la manière suivante : L’extension généralisée d’une lithosphère pénéplanée et fragilisée par de nombreuses failles lors de l’orogenèse varisque provoque sa fracturation et son amincissement. La remontée de l’asthénosphère sous-jacente, conséquentielle à cet amincissement crustal, entraîne sa fusion partielle par décompression adiabatique. Il s’agit donc d’un rifting passif. Seule une fraction du magma basaltique généré, remontée à travers la croûte, est parvenue à la surface. La plus grande partie, restée en plaquage sous la croûte sus-jacente, a entraîné son anatexie par échange thermique. Une telle fusion partielle crustale produit un volume important de magma acide : propulsé en surface il fournît les ignimbrites rhyolitiques tandis que sa cristallisation en profondeur fut à l’origine des granites comme ceux de Corse et Sardaigne.

Évolution chaîne de montagnes - subduction continentale
Évolution d'une chaîne de montagnes - distension postcollisionnelle
légende des figures
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Schéma du rift permien et origine du magmatisme associé.
Figure de gauche, pénéplénation de la lithosphère continentale ;

Figure de droite, extension : amincissement crustal (avec failles normales et grabens) ; remontée de matériel asthénosphérique et fusion partielle par décompression avec production de magma basaltique alcalin ; anatexie de la croûte continentale par échange thermique avec le diapir asthénosphérique ; production de grandes masses de magma rhyolitique.

Le volcanisme permien est contemporain d’un épisode de rifting continental qui a avorté dans la région provençale mais s’est poursuivi par ailleurs, donnant naissance au futur océan alpin … début d’un nouveau cycle de Wilson : le cycle orogénique alpin.
     
1 - Les marqueurs sédimentaires
(puissance importante des dépôts dénotant une forte subsidence)
 

- faciès continentaux permiens

2 - Les marqueurs tectoniques
 
- failles normales permiennes
3 - Les marqueurs magmatiques
 
- magmatisme bimodal contemporain du rifting permien
  • magmatisme alcalin
  • volcanisme rhyolitique essentiellement ignimbritique


• 11/2020 Mise à jour 10/2023 • Les auteurs • Les sources documentaires •
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