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Le rift Pyrénéo-Provençal (Crétacé supérieur), prolongement oriental en transtension du Golfe de Gascogne, et son épaulement septentrional-est : le Bombement Durancien.
Les ouvertures océaniques, de l'Atlantique central à la fin du Jurassique moyen (- 165 Ma) puis du golfe de Gascogne à l’Albien (- 110 Ma), conduisirent la plaque lithosphérique ibérique, bloc continental rassemblant la Péninsule ibérique, les îles Baléares-Corse-Sardaigne et le Briançonnais, à se désolidariser du domaine européen.

La plaque Ibérique, se déplaçant plus vite que la plaque Eurasiatique, entama de l’Albien moyen au Santonien, une rotation antihoraire par coulissage contre celle-ci et forma à l’est par transtension (extension avec déplacement latéral associé) le rift pyrénéo- provençal. Une série magmatique fortement alcaline sous-saturée en silice, à caractère effusif (basanites) et intrusif (syénites néphéliniques, sills lamprophyriques) d’âge compris entre -113 Ma et -85 Ma, affleurant de manière discontinue de l’Atlantique à la Méditerranée, est le marqueur magmatique de cette distension continentale.

Si l’océanisation du golfe de Gascogne s’est réalisée à l’Albien, les ressemblances qui existent entre l’Aptien et l’Albien des Pyrénées et celui de Provence laissent à penser que le rifting s'est mis en place dès la fin du Barrémien en Provence. La formation du bassin sud-provençal, annexe du rift pyrénéo-provençal, à la limite Barrémien-Aptien, explique en Provence méridionale l’ennoyage de la plate-forme carbonatée urgonienne et le dépôt conséquentiel de sédiments hémipélagiques (marnes bleues) de l’Aptien inférieur (Bédoulien et Gargasien).

ès Floquet et Philip

o aérienne du Sinaï et de la mer Rouge
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Reconstitution schématique de la paléogéographie du sud-ouest de l’Europe au Turonien supérieur.
Adapté de Stampfli (1993), Philip & Floquet (2000), Floquet & Hennuy (2001), Hennuy (2003), Floquet et al. (2005, 2006), Floquet & Philip (2018), Floquet (2020).
Photographie satellite du secteur du Golfe d'Aqaba et du Golfe de Suez (https://www.flickr.com/photos/nasahubble/27411443544/)

La photographie satellite du nord de la mer Rouge suggère ce que pouvait être le puzzle des continents et des océans naissants entre -110 et -80 Ma. Une analogie peut être faite entre la mer Rouge (MR) et l’Atlantique central, entre la péninsule du Sinaï (PS) et l’Ibérie. Enfin, le golfe d’Aqaba (GA), entre les plaques africaine et arabique (PA), qui se prolonge par la faille décrochante du Levant (la mer Morte (MM) est un bassin en pull-apart) donne une bonne image de ce qu’était le golfe de Gascogne qui se continuait à l’est par le rift pyrénéen et son prolongement provençal. Si, sur le plan géographique, l’analogie entre le golfe de Suez (GS) et l’océan Alpin (Téthys Alpine) peut être envisageable, elle est en revanche plus critiquable sur le plan géologique en raison de l’absence de subduction dans le golfe de Suez alors que la Téthys alpine était, quant à elle, en voie de fermeture par subduction sous la plaque apulienne.
Le schéma ci-dessous illustre comment le fonctionnement en décrochement de failles peut être responsable de la formation du rift par transtension avec mise en place de bassins en pull-apart.
Schéma de la transtension
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Schéma de l'ouverture d'un bassin en pull-apart par transtension

Sur les épaulements émergés du rift pyrénéo-provençal, se formèrent des altérites entre l’Albien final et le Santonien supérieur, soit entre -100 et -85 Ma.

Les bauxites sont les altérites emblématiques des Bouches-du-Rhône et du Var. Les ocres sont caractéristiques du Vaucluse. Les bauxites sont issues de l’altération de sédiments essentiellement argileux alors que les ocres proviennent de l’altération de sédiments plus sableux. Cette altération importante s’est réalisée sous un climat chaud et humide qui favorise l’hydrolyse des minéraux. Les données du paléomagnétisme confirment que la position latitudinale de la Provence, proche du tropique du Cancer à cette époque, étaient compatibles avec de telles conditions d’altération. Le «Bombement Durancien», siège de la formation des altérites provençales, correspondait à la partie orientale de l’épaulement septentrional du rift (plaque Eurasiatique). On trouve plus à l’ouest des gisements de bauxite en Languedoc-Roussillon et Ariège. Des bauxites de la même tranche d'âge se retrouvent sur l’épaulement méridional (plaque Ibérique) dans les Pyrénées basco-béarnaises, en Espagne dans les Sierras Marginales et en Sardaigne.
La signification géodynamique de ces altérites s’inscrit ainsi dans un contexte de marges passives lié à l’ouverture du golfe de Gascogne.

La surface d’émersion et d’altération météorique, matérialisée localement par les gisements de bauxite, est associée à une discordance majeure qui sépare les séries sédimentaires sous-jacentes du Crétacé inférieur, voire du Jurassique, de celles surincombantes du Crétacé supérieur. La discordance est associée à une lacune stratigraphique diachrone selon sa place dans la paléogéographie du Crétacé «moyen» (fortement perturbée par la tectogenèse tangentielle ultérieure éocène, lors de la phase orogénique pyrénéo-provençale). De part et d'autre des bordures du bassin axial du rift vers ses épaulements sur les cratons européen au nord et ibérique au sud, la lacune est de plus en plus importante du fait du biseau de recouvrement par les dépôts marins transgressifs du Crétacé supérieur.
Diachronie des dépôts sur le bombement durancien
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Diachronie de la lacune stratigraphique liée à la discordance médio-crétacée en Basse-Provence. Coupe schématique du versant sud du « Bombement Durancien » montrant que la lacune est de plus en plus importante du sud au nord, du fait du biseau de recouvrement par les dépôts marins transgressifs du Crétacé supérieur (d’après Philip et al., 2018, adapté).

La paléogéographie provençale au Crétacé supérieur peut se résumer à l’existence d’un bassin sédimentaire marin, qualifié de Sud-Provençal, comprenant, au nord, une plate-forme carbonatée peu profonde à émergeante et, au sud, une zone plus profonde. Ce bassin, situé entre deux secteurs émergés, au nord le «Bombement Durancien» et au sud le «massif Méridional», correspondait à une annexe septentrionale du «Rift Pyrénéo-Provençal» et communiquait vers l’est et le nord-est avec les bassins alpins Vocontien et Valaisan.

La plate-forme carbonatée, riches en rudistes, de profondeurs comprises entre 50 mètres au grand maximum et l’émersion, s’appuyait au nord sur une terre émergée de faible relief, le «Bombement Durancien», soumis à une altération de type latéritique. Les dépôts présentent une puissance de 500-600 mètres au plus à 0 mètre. Le bassin sensu stricto, de profondeurs comprises entre 50 et 200 mètres approximativement, est caractérisé par des dépôts mixtes, silicoclastiques et carbonatés, épais (jusqu’à 1300-1400 mètres) traduisant une subsidence tectonique plus marquée.

Des édifices deltaïques, dont le plus typique est le massif du Bec de l’Aigle à La Ciotat, s’adossaient plus au sud contre des terres émergées, sans doute à forts reliefs, appartenant probablement à un horst du socle positionné en avant du «Bloc Ibéro-Corso-Sarde» et nommé «Massif Méridional». Ce massif, soumis à l’érosion, était le pourvoyeur de sédiments silicoclastiques vers les deltas et, au-delà dans le bassin. Les sédiments détritiques sont de moins en moins grossiers vers le nord et leur part bioclastique augmente.

Ce bassin présente des resédimentations carbonatées (RSC) et terrigènes (RST), comprenant des olistolithes. La distribution spatiale de ces resédimentations, en rapport avec les escarpements bordiers de la plate-forme carbonatée au nord et les édifices deltaïques au sud, et l’ évolution de leur structure sédimentaire, montrent qu’elles résultent d’écoulements gravitaires. Du Cénomanien jusqu’au Santonien, la limite entre le bassin sensu stricto et la plate-forme comme la terminaison du domaine marin de plate-forme (correspondant à une ceinture laguno-saumâtre) contre le «Bombement Durancien» émergé tendaient à reculer vers le nord. En revanche, la limite entre le bassin sensu stricto et le «Massif Méridional» émergé est restée à peu près fixe au cours du temps.

Les moteurs des déclenchements de ces écoulements gravitaires chaotiques à turbiditiques, étendus à presque tout le bassin sont certainement des séismes, seuls capables de déstabiliser de très larges pans de la plate-forme carbonatée ainsi que des pentes deltaïques. On peut donc qualifier ces résédimentations de «séismobrèches» et «séismoturbidites».

Reconstitution du Bassin Sud Provençal au Turonien
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Reconstitution schématique du Bassin Sud- Provençal (BSP) au Turonien supérieur - Coniacien inférieur pour sa partie correspondant à l’actuel synclinal du Beausset. Adapté d’après Floquet & Hennuy (2001,2003) et Hennuy (2003).
La tectonique des plaques explique l’origine des séismes : le Bassin Sud-Provençal, était un élément du Rift Pyrénéo-Provençal évoluant en transtension entre Plaque Ibérie et Plaque Europe. Ces séismes ont provoqué des tsunamis ayant notamment affecté la plate-forme carbonatée où des brèches spécifiques appelées tsunamiites recouvrent des surfaces d’émersion.

En effet, du Cénomanien (- 100 Ma) au Santonien (- 83 Ma), la dérive de la Plaque Ibérie vers l’est-nord-est s’est réalisée grâce à un coulissage distribué au sein de ce Rift Pyrénéo-Provençal séparant les Plaques Ibérie et Europe. Le coulissage s’est effectué par le jeu de failles crustales générant des séismes dont des témoins sont préservés dans diverses séries sédimentaires de ce rift : «séismobrèches» et «séismoturbidites» de la Couronne de Charlemagne (CC) au Bec de l’Aigle en Provence ou mégabrèches et mégaturbidites de même âge et appelées «Grande Barre Calcaire» en Béarn et «Mégaturbidite de Béhobie» au Pays Basque, de l’autre côté du rift, dans les Pyrénées occidentales.

L’accrétion océanique dans le golfe de Gascogne cessa au Campanien (- 80 Ma), alors qu’elle se poursuivait dans l’Atlantique.

pyrénéo-Provençal
Coupe schématique et hypothétique du Bassin Sud-Provençal
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Bloc-diagramme montrant le cadre géodynamique au cours du Crétacé supérieur : localisation de la plaque européenne par rapport aux plaques ibérique et adriatique. Ma : Massif des Maures ; Co : Corse and Sa : Sardaigne. (d'après Schreiber et al., 2011) Place du Bassin Sud-Provençal (cadre rouge) sur un transect très schématique et hypothétique de direction nord-ouest - sud-est. Le BSP apparaît comme étant un élément bordier du grand Rift Pyrénéo-Provençal qui se prolonge vraisemblablement dans le domaine valaisan. Le Massif Méridional (MM) est considéré comme étant un épaulement bordier du rift et qui limite le BSP au sud (Floquet, 2020)

     
1 - Les marqueurs sédimentaires de la paléogéographie
 

- Témoins de secteurs émergés

- Témoins de l'existence d'une plate-forme carbonatée

- Témoins d'un bassin profond

- Formations paléodeltaïques

2 - Marqueurs tectono-sédimentaires d’instabilités en relation avec le rifting
 
- Resédimentations carbonatées
- Resédimentations terrigènes
- Olistolithes
- «Séismobrèches»
- «Séismoturbidites»
- Tsunamiites



3 - Marqueurs magmatiques d’une déchirure continentale (hors Lithothèque PACA)
 
Série magmatique fortement alcaline sous-saturée en silice, avec volcanisme effusif (basanites) et plutonisme (syénites néphéliniques, sills lamprophyriques) d’âge compris entre -113 Ma et -85 Ma, affleurant de manière discontinue de l’Atlantique à la Méditerranée

- Coulées : basalte alcalin de Courrèges (64)
- Intrusions de syénite néphelinique : Pouzac (65), Arrodets-Lanso (65), Fitou (11)
- Sills lamprophyriques : monchiquite de Roquefort-les-Corbières (11), sannaite de Perillos (11),
teschénite de Buzy (64)
• 12/2020 • Les auteurs • Les sources documentaires •
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