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La crise biologique Crétacé-Paléogène (- 66 Ma) en Provence

Les formations à la limite K/Pg et leur paléo-environnement


Au Maastrichtien, la Provence est structurée par la compression pyrénéenne. Elle constitue alors l’avant pays de la chaine pyrénéenne. Les terrains à l’affleurement aujourd’hui correspondaient à des régions continentales de l’avant-pays pyrénéen. Cette structuration est-ouest formait un archipel aux îles de dimensions très diverses dont les limites ont pu varier au cours du Crétacé supérieur. En raison de la position plus méridionale de la région et d’un climat planétaire plus chaud, le climat local est tropical, humide avec, notamment à la fin du Maastrichtien, des épisodes plus arides.

La végétation au Campanien est dominée par des Araucariacées, des prêles, des fougères pouvant être arborescentes et des ginkgoales. A la fin du Maastrichtien, les angiospermes sont présentes en abondance (pollen Emscheripollis) et deviennent sans doute prédominantes.

Au niveau des bassins des Bouches-du-Rhône, de façon générale, du Campanien jusqu’à l’Yprésien, les formations continentales présentent des alternances de faciès fluvio-lacustres : paléosols rubéfiés, marnes, chenaux à passées gréseuses, poudingues, calcaires lacustres. Ces formations sont parfois intercalées de brèches.

On peut distinguer plusieurs phases dans la formation de ces bassins sédimentaires :

- du Campanien « moyen» au Maastrichtien basal, on identifie une phase tectonique importante de plissements. C’est cette phase initiale qui permet l’individualisation des bassins sédimentaires continentaux dont les limites ont été conservées jusqu’aujourd’hui malgré la tectonique tangentielle ultérieure. Dans ces bassins se déposent localement à partir du Campanien des brèches (« Brèches des Cadeneaux » et « Brèches de Roques-Hautes »). Ces dépôts sont syntectoniques c'est-à-dire à relier à la mise en place de plissements localisés alors tectoniquement actifs responsables de reliefs tels que les « paléo- Regagnas et Étoile » et « paléo-Sainte-Victoire ».

Carte paléogéographique au Maastrichtien

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Paléogéographie au Maastrichtien (simplifié d'après Atlas Téthys (Dercourt et al., 1993)

Carte de reconstitution paléogéographique (Scotese)

Climats à la limite Crétacé Paléogène (Scotese)
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Reconstitution paléogéographiques et climats à la limite Crétacé - Paléogène (d'après Scotese, Paleomap project)



Stratigraphie simplifiée du Bassin d'Aix-en-Provence
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Stratigraphie simplifiée du Bassin d'Aix (Floquet et al., 2021)

- du Campanien terminal au Maastrichtien inférieur, des lacs recouvrent une superficie importante à la base des reliefs. La subsidence et la grande surface de ces environnements lacustres ont permis la formation de calcaires remarquables (calcaires de Rousset).

- le Maastrichtien supérieur se poursuit avec une sédimentation lacustre comparable caractérisée par le faciès Rognacien supérieur (calcaires de Rognac). Durant cette période, aucune brèche n’est déposée. Des épisodes arides réduisent la surface des lacs au profit de plaines d’inondations (chenaux, dépôts de poudingues, de passées gréseuses..). La réduction des précipitations provoque la formation de sols indurés aujourd’hui connus dans les régions tropicales arides. Le Maastrichtien supérieur est généralement surmonté par le « Poudingue de la Galante », formation détritique dont l’épaisseur peut varier de quelques centimètres à 4 mètres. La nature pétrographique des galets contenus indique une origine située dans le massif des Maures.

- au Danien, le même type de sédimentation se poursuit avec des faciès continentaux : terrestres, fluviatiles, lacustres ou palustres. Une nouvelle phase d’érosion intense est responsable du dépôt des Brèches du Dano-Sélandien au pied de la montagne Sainte-Victoire. Ils sont liés à la déformation de cette montagne. Il s’agit des célèbres « Brèches du Tholonet » (également nommées « faux Marbre du Tholonet ») qui seraient synchrones de celles de Rians et de la Sainte-Baume.

Reconstitution du paléoenvironnement du Bassin d'Aix au Maastrichtien
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Reconstitution du paléoenvironnement du Bassin d'Aix au Maastrichtien (Cojan et al., 2003)

Au sein d’un même bassin, des variations importantes peuvent donc apparaître concernant la présence ou non de la limite K/Pg. Le caractère hétérogène des formations et le manque de couche repère d’échelle régionale ou leur diachronisme, comme les calcaires de Rousset et de Rognac, autrefois considérés comme synchrones, rendent parfois difficile l’interprétation sur le terrain.

La limite Crétacé-Paléogène (K-Pg) devrait se situer entre les « Calcaires de Rognac » (d’âge Maastrichtien) et les « Calcaires de Vitrolles » (d’âge Danien). Même si la position théorique de cette limite fut proposée (Cojan & Moreau, 2006) elle n’a pas encore été précisément repérée dans tous les sédiments de Provence, du fait d’érosions survenues à la fin du Maastrichtien.


Tentative de biostratigraphie : à la recherche d’un changement de biodiversité à la limite K/Pg en Provence

Gisements fossiles renfermant des restes d’animaux de grande taille.


En première approche, on peut considérer les exceptionnels gisements fossiles du Crétacé supérieur et du Paléogène connus en Provence. On citera ici le Crétacé supérieur d’Aix en Provence et le Paléogène du Luberon.

- Gisements d’Aix en Provence

Dans le bassin d’Aix, le Crétacé supérieur a livré les restes fossiles d’une riche macro-faune.

Faune de Provence au Crétacé supérieur

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Faune emblématique du Crétacé supérieur continental des Bouches-du-Rhône.

A Hadrosauroïdé ; B, Valentinella provinciale ; C, Rhabdodon priscus ; D, Mistralestes arcensis ; E, Variraptor mechinorum ; F, Theriosuchus sp. ; G, Allodaposuchus sp. ; H, Solemys gaudryi ; I, Hypselosaurus priscus; J, Pyroraptor olympius ; K, Matheronodon provincialis ; L, Meristodonoides sp. ; M, Arcovenator escotae ; N, Atsinganosaurus velauciensis ; O, Mistralazhdarcho maggii ;P, Rhabdodon priscus ; Q, Massaliasuchus affuvelensis ; R, Atractosteus africanus ; Selochelys perfecta et T, Axelrodichthys megadromos. U, Struthiosaurus sp.

L’échelle représente 2m. ©Thierry Tortosa D’après Allain et Taquet (2000), Cavin et al. (2016), Garcia et al., (2010), Godefroit et al.(2017), Lapparent de Broin & Murelaga (1996), Martin et al. (2014, 2015), Nopcsa (1931),Tabuce et al., 2013), Tortosa (2014), Valentin et al. (2012), Vullo et al., 2018) @ Yves Dutour (C), Thierry Tortosa (E, I, K, M, R, U), Eudes Thouand (K, N).

Dans le seul bassin d’Aix, le Crétacé supérieur est donc caractérisé par une forte biodiversité : dinosaures non aviens (A-C-E-I-J-K-M-N-P-U), ptérosaures (O) crocodiliens (G,Q), chéloniens (S, H), téléostéens (R), sarcopterygiens coelacantiformes (T), mammifères (B) …

À ces espèces, on peut ajouter les restes de Gargantuavis philoinos, oiseau de grande taille du Crétacé supérieur décrit dans les formations sédimentaires continentales de l’Aude.
Il faut remarquer que cette paléofaune s’étend du Campanien au Maastrichtien, soit sur plus de 10 millions d’années. De plus, malheureusement, on ne connait pas de restes de dinosaures proches de la limite K/Pg : les plus récents fossiles de dinosaures non aviens dans le bassin d’Aix sont datés d’environ 69 millions d’années, soit 3 millions d’année avant la crise K/Pg.

- Le gisement de la Débruge (Paléogène, Priabonien)

Si l’on cherche une faune fossile dans le Paléogène, on ne trouve pas là non plus d’archive aux alentours de 65 millions d’années. Il faut faire un bond jusqu’à -35 millions d’années pour trouver un site remarquable…

Paléofaune au Paléogène
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Le gisement de la Débruge est le plus vieux site à mammifères fossiles du Luberon. L’âge estimé de ce gisement est de -35,5 Ma. Il nous donne une image de la diversité des faunes de la fin de l’Éocène, en particulier pour les ongulés, très nombreux sur le site. Plus d’une quarantaine d’espèces de mammifères ont été trouvée sur ce site comprenant des insectivores, des rongeurs, des perissodactyles, des artiodactyles, des carnivores et des primates.

De nombreux restes de tortues y ont aussi été découverts. Le site de La Débruge a été choisi comme une biozone référence pour le Paléogène en Europe, c’est le gisement type de la MP 18 (Mammal Paleogene zone 18).

Aussi exceptionnels que soient ces gisements, ils sont trop distants dans le temps (plus de 30 millions d’années d’écart) pour caractériser la crise K/Pg.

Les œufs de dinosaures et le passage K/Pg dans le bassin d’Aix.

Le bassin d’Aix est connu depuis la fin du XIXème siècle pour sa richesse en fossiles d’œufs de dinosaures. Présents sous la forme de fragments, d’œufs complets ou même de pontes complètes, ils sont bien plus fréquents que les restes d’os fossilisés. Différenciables par leur taille, leur forme (allongée ou subsphériques…), l’épaisseur de leur coquille et leurs ornementations de surface, ils permettent la définition d’ooespèces. En l’absence d’œufs embryonnés, les pontes sont difficilement rattachable de façon certaine aux espèces connues par leurs ossements.


Oeuf de dinosauaure - Titanosaure
Ornementation oeuf de dinosaure
À gauche, œuf de dinosaure sphérique (diamètre environ 25cm) probablement de titanosauridé montrant l’orifice d’éclosion. (photo L. Roux, matériel issu des collections du Museum d’Histoire Naturelle d’Aix en Provence). À droite, exemple d’ornementation sur la face extérieure d’un fragment d’œuf de Dinosaure récolté à Roques Hautes. Ces caractéristiques ont permis d’établir une biostratigrahie basée sur la répartition des fragments de coquilles.

La répartition obtenue montre une raréfaction progressive tout au long du Maastrichtien des ooespèces. Les fragments de coquilles d’œufs de dinosaures sont absents du Maastrichtien tout à fait terminal. Cette diminution apparente sur le temps long et la disparition antérieure à la limite K/Pg peut trouver plusieurs explications non exclusives : lacunes des archives fossiles dues à l’érosion de certains niveaux, diminution de la biodiversité et remplacement des faunes au niveau local du aux épisodes arides et à l’insularité, changement des conditions de fossilisation devenant moins favorables durant les épisodes arides de la fin du Maastrichtien…

Répartition stratigraphique des oeufs de dinosaures en Provence
Répartition des ooespèces dans le Maastrichtien du Sud de la France (d’après Géraldine Garcia, 1998).

Les archives fossiles du Maastrichtien terminal semble donc indiquer une disparition progressive des dinosaures non aviens en Provence. Si l’on considère que cette lente diminution de la biodiversité n’est pas un artefact dû aux conditions de fossilisation, elle est probablement à rapporter aux conditions particulières de la fin du Maastrichtien provençal. Ailleurs dans le monde et notamment en Amérique du Nord, la disparition des dinosaures apparaît souvent plus brutale (formation de Hell Creek dans le Montana par exemple).

Si le Maastrichtien terminal, le Danien et l’Yprésien sont dépourvus de fragments de coquilles de dinosaures (hormis quelques exemplaires probablement remaniés), il est à noter que l’on retrouve des fragments de coquilles d’œufs de taille importante bien au-delà de la limite K/Pg. En effet, des fragments d’œufs de « dinosaures » (ooespèce « Ornitholithus biroi ») peuvent être observés dans les argiles du Thanétien (Paléocène,-56 à -52 Millions d’années). Ces restes sont attribués à des oiseaux (qui sont des dinosaures aviens au sens phylogénétique), probablement de grands ratites gastornithidé (Feist-Castel, 1975 ; Dughi & Sirugue, 1968 ; Buffetaut & Angst, 2014).

Reconstitution de Gastornis https://hmn.wiki/fr/Gastornis
Reconstitution de Gastornis (https://hmn.wiki/fr/Gastornis)

Répartition de fossiles d’organismes dulçaquicoles lors du passage K—Pg.

Les calcaires lacustres du Maastrichtien supérieur (calcaire de Rognac) sont riches en characées. Ces algues produisent lors de la reproduction des oospores aux ornementations spécifiques. Ces dernières sont souvent conservées dans les sédiments lacustres d’où leur intérêt en biostratigraphie. Parmi ces charophytes, Peckichara cancellata est caractéristique du Rognacien et Septorella ultima est caractéristique du Rognacien supérieur (=Maastrichtien terminal).

Les Charophytes sont absents des calcaires vitrolliens (=Danien).

Plus haut, les « Calcaires de Meyreuil » attribués au Thanétien ont livré une riche malacofaune dont Physa prisca et Limnaea cf. rollandi. Des charophytes sont présents dans les argilites sus-jacentes dont l’épaisseur peut atteindre 100 mètres. Certaines espèces sont spécifiques de ce niveau (Maedleriella cristellata, Microchara pachythelys …). Autre fossile stratigraphique, la présence dans les paléosols fossilisés de petits prismes de calcites de taille millimétrique en amas attribués par certains auteurs à une activité bactérienne ou fongique est caractéristique du début du Paléogène.

Log stratigraphique de la limite Crétacé Paléogène

Détail de la stratigraphie de la limite Crétacé - Paléogène (Floquet et al., 2021)
 
Signaux magnétostratigraphiques et géochimiques du passage K/Pg

- Absence de « couche à Iridium ».

Dans les séries sédimentaires océaniques et dans les séries continentales d’Amérique du Nord, le passage K/Pg est marqué par une couche généralement argileuse riche en Iridium. Cet élément est normalement rare dans la croûte terrestre et sa présence en quantité anormale est interprétée comme un apport météoritique dû à la chute d’un astéroïde massif. Malgré des recherches dans plusieurs couches candidates, aucune concentration anormale en iridium n’a été pour l’instant mise en évidence dans les formations du sud de la France. (Rocchia et al.,1989).

- Les apports de la Magnétostratigraphie

Depuis la fin des années 1980, plusieurs études paléo-magnéto-stratigraphiques sont venues préciser la chronologie et ont permis de corréler plusieurs séries distantes dans le bassin d’Aix en Provence. Ainsi le chron C29 qui contient le passage K/Pg a été identifié dans la totalité des formations sauf à Rousset. Ces études ont permis de préciser la pertinence de certaines couches repères usuellement considérées proches de la limite K-Pg (poudingue de la galante par exemple) ou de constater le diachronismes d’autres formations.


La distribution des épisodes semi-arides dans les séries de Provence (Cojan et Moreau, sous presse)
La distribution des épisodes semi-arides dans les séries de Provence (Cojan, 2006)
LES EVENEMENTS GLOBAUX AU TRAVERS DES PLAINES D’INONDATION OU LE FIL D’ARIANE DES SYSTEMES FLUVIATILES. Géologie appliquée. Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2006. tel-00537559

- Signal Delta 13C mesuré dans les formations lacustres du bassin d’Aix.

Lors de la photosynthèse, les producteurs primaires fixent préférentiellement l’isotope 12C. Une forte augmentation de la production primaire se traduit donc par une augmentation du delta 13C des océans. Au contraire une diminution de la production primaire se traduit par une diminution du delta 13C des océans. Du fait de la communication rapide entre réservoirs du cycle du carbone, ces variations océaniques peuvent se retrouver dans les formations continentales.

Une étude conjointe du paléomagnétisme et du delta 13C a pu être menée dans les formations fluvio-lacustres du bassin d’Aix. Une bonne corrélation entre variation dans les sédiments continentaux et variation dans les sédiments océaniques a pu être établie. Notamment au niveau du chron 29, est enregistrée une variation négative du delta 13C. Cette variation est interprétée comme une signature de la crise K-Pg. L’un des scénarios désormais le plus généralement admis est qu’un impact de météorite serait plus ou moins directement responsable de la baisse de la photosynthèse sur de vastes surfaces océaniques et continentales (obscurcissement de l’atmosphère, acidification des océans et pluies acides sur les continents …). Pour la première fois, la limite K-Pg a ainsi pu être localisée dans le bassin provençal avec une précision de quelques mètres .

La distribution des épisodes semi-arides dans les séries de Provence (Cojan et Moreau, sous presse)
Comparaison de la variation du delta 13C au niveau du chron 19 dans les formations continentales du bassin d’Aix (à gauche) et dans les formations océaniques (à droite).
LES EVENEMENTS GLOBAUX AU TRAVERS DES PLAINES D’INONDATION OU LE FIL D’ARIANE DES SYSTEMES FLUVIATILES. Géologie appliquée. Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2006. tel-00537559

Corrélation temporelles entre bassins et caractérisation du passage K/Pg.

Les affleurements comprenant la limite K/Pg ne sont pas rares dans le sud de la France. De l’ouest des Pyrénées au bassin d’Aix en Provence ils montrent des successions de sédiments continentaux. Malgré le caractère lacunaire de ces formations continentales et leur relatif endémisme, l’établissement de biostratigraphies fines et le recours au paléomagnétisme ont permis de synchroniser les différents bassins continentaux du sud-est de la France. Ci-dessous on a ajouté aux formations continentales, le site de Bidart connu pour sa sédimentation de plateforme carbonatée continue lors du passage K-Pg.

Dans ces séries fluvio-lacustres, on remarque une relativement bonne corrélation entre les répartitions stratigraphiques des ooespèces dans ces bassins. Ainsi dans l’Hérault comme en Provence, on constate une raréfaction progressive des mêmes ooespèces au cours du Maastrichtien. La pertinence de microcodium en tant que fossile stratigraphique du début du Paléogène se trouve aussi confirmé.
Corrélation stratigraphique entre 4 séries sédimentaires du Crétacé terminal des Corbières à la Provence et les séries marines de Bidart modifié d'après https://lithotheque.ac-montpellier.fr/la-recherche-d-une-limite-kt-le-bassin-de-meze-villeveyrac)
Corrélation stratigraphique entre 4 séries sédimentaires du Crétacé terminal des Corbières à la Provence et les séries marines de Bidart (modifié d'après Jean-Jacques Dides, https://lithotheque.ac-montpellier.fr/la-recherche-d-une-limite-kt-le-bassin-de-meze-villeveyrac)

Les sédiments continentaux de la limite Maastrichtien-Danien de Provence montrent donc des changements floristiques et faunistiques au cours du passage Crétacé – Paléogène dans un contexte environnemental particulier (continental fluvio-lacustre, insulaire, tropical humide à semi-aride).

Il est difficile à l’aide de ces seules formations de mettre en évidence le caractère soudain de la crise K-Pg. Toutefois, la corrélation possible entre bassins continentaux et la sédimentation marine permettent de comprendre l’étendue écologique et phylogénétique de la crise : plusieurs environnements très différents sont impactés et des groupes d’êtres vivants très éloignés phylogénétiquement sont affectés (foraminifères planctoniques des plateformes carbonatées, charophytes des milieux lacustres, dinosaures terrestres…). La comparaison avec les sites continentaux nord-américains rend évidente l’étendue géographique de cette crise planétaire.

L’apparente progressivité des extinctions et la caractérisation des changements sur une échelle de temps relativement longue durant le Maastrichtien et le Danien permet de s’interroger sur la pertinence des archives fossiles, la durée d’une crise et l’image qu’on en donne dans les médias (oui la crise K-Pg est soudaine mais non tous les dinosaures n’ont pas disparus il y a 66 millions d’années – beaucoup ont bien évidemment disparus avant et certains sont encore parmi nous – les oiseaux).

Enfin, la relative biodiversité des faunes du Crétacé supérieur et leur répartition stratigraphique sur une échelle de temps assez vaste permet de discuter des différents comportements apparents des groupes phylogénétiques qui subissent la crise : les crocodiliens ou les chéloniens semblent la traverser sans être affectés alors que les derniers dinosaures non aviens disparaissent, les charophytes semblent disparaitre momentanément sur la limite pour être de nouveau présents dans les niveaux postérieurs…

Comportement de différents taxons au cours d'une crise biologique
Comportement de différents taxons au cours d'une crise biologique (modifié d'après Renard et al., 2018, Éléments de géologie, 16ème édition).

L’étude du passage Crétacé – Paléogène dans les formations continentales de Provence permet ainsi d’appréhender les difficultés à caractériser sur le terrain un évènement pourtant majeur et planétaire. Au-delà, la diversité des archives fossiles, la difficulté de leur interprétation, les discussions sur les datations et la durée des phénomènes, permettent d’envisager la complexité des mécanismes à l’œuvre lors de changements planétaires globaux ; un enjeu majeur dans la période actuelle de dérèglement climatique d’origine anthropique. « Cette fois, la météorite, c'est nous ! » déclaraient en 2018 Anne Hessel, Jean Jouzel et Pierre Larrouturou dans un ouvrage collectif dédié à la responsabilité humaine dans la crise climatique actuelle.
     

 

 

 

 


 

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