Le Col de Turini est le lieu historique où le géologue néérlandais Arnold H. Bouma décrit pour la première fois en 1962 les dépôts sédimentaires du type "turbidites". Il y a défini la séquence éponyme, la fameuse "Séquence de Bouma", répétée des centaines de fois dans ce col.

OBSERVATIONS DE TERRAIN :
On observe dans chaque séquence de Bouma l'enchainement répétitif :
- niveau A : des dépôts très massifs de grès (riches en quartz et muscovites => psammites), avec granoclassement, et avec des figures d'érosion basale marquées, qui marquent l'arrivée violente du courant de turbidité dans le bassin sédimentaire receveur ;
- niveau B : des sédiments fins et déposés juste après le vortex, caractérisés par des laminations parallèles ;
- niveau C : les turbidites qui sont des sédiments fins granoclassés, avec des laminations planes et obliques, et des figures dites "convolutes" (voir la page dédiée) ;
- niveau D : les turbidites boueuses, caractérisées par des laminations parallèles, constituées par des particules d'argiles fines à structure laminaire ;
- niveau E: les sédiments les plus fins, de type argiles.
Le sommet de ce dernier niveau est fréquemment interrompu par des figures de courant, comme par exemple des flute-cast. Ils correspondent à des sillons creusés par le courant tourbillonnaire, qui sont ensuite remplis par le banc de sédiment suivant qui en produit un contre-moulage visible à la base du banc.
Ces flute-cast sont des indicateurs de polarité. Ils donnent le sens et la direction du courant. Ici, dans le col de Turini, ils sont orientés sud-nord.
On observe aussi des figures de base de bancs, qui peuvent être marquées par des arrivées brutales de grès qui remplissent un petit chenal creusé dans les formations inférieures plus fines (car argileuses !).

INTERPRÉTATION :  
- La séquence de Bouma correspond à l'enregistrement sédimentaire d'un événement  de type avalanche sous-marine, suivi d'une longue période calme. 
Cette avalanche sous-marine est aussi appelé "courant de turbidité" , courant de densité ("turbidity flow" en anglais) ou "slump". 
Il peut se déplacer sur plusieurs kilomètres et à grande vitesse.
- La durée de dépôt des premiers niveaux est quasiment instantanée à l'échelle géologique: elle ne dure que quelques minutes à quelques heures !      
Le courant de turbidité provoque un glissement en masse de sédiments, le long de la pente sous-marine. Les sédiments sont alors entrainés à forte vitesse vers le fond du bassin sédimentaire, où ils s'y accumulent.
Ce courant, constitué de particules plus denses que l’eau, va s’écouler le long du canyon sous-marin, formant des cheneaux avec des levées avant de s’étaler dans la plaine abyssale sous forme de lobes.

L’environnement de dépôts est donc trés particulier et permet déjà de caractériser un milieu marin de profondeur importante (base du talus, plaine abyssale). L'ensemble de ces multiples séquences de Bouma empilées les unes sur les autres forment le Flysch, bien visible sur cette photo prise depuis le haut du col de Turini.